Pif dans la peau de son créateur
« -Salut Top !
-Pif, te voilà enfin rentré, sacré gamin ! C’est l’heure du petit déjeuner ! Tu as encore traîné au bario chino ?
-Oui, mais pour me faire pardonner j’apporte le journal du matin ! Et qui est publié en troisième page ?
-Oh !? Ça c’est une bonne nouvelle. Ta carrière va enfin décoller ! «
Dans l’Espagne des années 30, Pif peut être fier de lui. Dessinateur satirique, il a enfin réussi à faire publier ses illustrations dans L’esquella de toratxa. Tôt ce matin, il vient avec fierté montrer le journal à Top qui rit de la caricature de Mussolini et Hitler, les deux fascistes qui ensanglantent l’Europe. Le reste du quotidien n’est pas réjouissant. Franco essaie de rallier les généraux putschistes de 32 à un soulèvement. Issu de la droite réactionnaire, il conteste le résultat des élections de février en faveur de la République. Les généraux Franco et Goded ont déjà pris le contrôle des îles Baléares et s’apprêtent à revenir en force sur le continent. S’ils arrivent à convaincre la garde civile de se joindre à eux, Barcelone, la Catalogne, tout comme le reste de l’Espagne, ne tiendront pas longtemps.

Juillet 1936, Pif est sur les barricades. Les gens arrivent de toute la ville pour se joindre à la résistance. Il faut aller chercher des armes. Le cœur « Vaillant », Pif prend le volant d’un camion pour accomplir la mission. Ils vont réussir à repousser l’armée insurgée. Top est fier de Pif, qui a prouvé son courage. Ce dernier ne veut pas être un soldat de la plume. Il ne veut pas se contenter de créer des dessins de propagande à l’abri des balles dans un atelier. Il s’engage parmi les volontaires civils pour renforcer les lignes de résistance en Aragon. Ce n’est que le début des années de combat. Pif va être blessé, connaître la « retirada », l’exode vers la France, les camps de réfugiés en France, la Seconde Guerre Mondiale, la déportation, puis l’impossible retour au pays, toujours gangréné par le fascisme franquiste.

Cette histoire de Pif est avant tout l’histoire de son créateur José Cabrero Arnal. Rich a eu l’idée de génie, et le mot n’est pas galvaudé, de raconter la vie de l’auteur espagnol dans la peau du personnage qu’il a créé. De la guerre d’Espagne à son engagement comme dessinateur dans le journal Vaillant à la libération en 1946 avec la série Placid et Muzo, on tremble, on souffre, on vibre aussi avec Pif-José. Rich a pris quelques libertés pour transformer la vie d’Arnal en bande dessinée de divertissement dans l’esprit du personnage, tout en s’appuyant sur la biographie de l’espagnol publiée par Philippe Guillen parue aux éditions Loubatières. La mise en abime finale est grandiose. Pas un mot. Il faut la découvrir dans l’album. Du début à la fin, sous les couleurs de Christian Lerolle, la magie opère. Les nostalgiques du cabot s’y retrouveront. Les nouveaux lecteurs suivront une aventure passionnante.

Pif, depuis quelques années, c’est un peu l’histoire d’un éternel retour. Il manquait peut-être un album événementiel. Itinéraire d’un chien rouge est celui-là. Sans qu’on ne l’ait vu venir, Rich signe un livre majeur dans l’aventure éditoriale de Pif. Graphiquement impeccable. Scénaristiquement prodigieux.
One shot : Une aventure de Pif Itinéraire d’un chien rouge
Genre : Biopic
Scénario & Dessins : Rich
Couleurs : Christian Lerolle
Éditeur : Vaillant
ISBN : 9782344062340
Nombre de pages : 56
Prix : 14,95 €