A la croisée des arts
« -Vous êtes chanteur ! Quel genre ?
-Un qui raconte des histoires de toutes sortes… Des lumineuses et des dramatiques, des fulgurantes et des vénéneuses… Des voyages souvent sans fin…
-Un conteur chanteur, quoi…
-Pourquoi pas…
-C’est pas banal. »
Lors d’une nuit de balade, Alfred, dessinateur de bandes dessinées de son état, pénètre dans un théâtre abandonné pour une petite session de dessin sauvage. Dans une loge envahie de végétation, le dessinateur rencontre un homme affalé sur un hamac. Ce type vit-il ici ? Ici ou là, quelle différence ? C’est un chanteur : Arthur H. Il raconte des histoires de toutes sortes, des lumineuses et des dramatiques, des fulgurantes et des vénéneuses, des voyages souvent sans fin. Ça tombe bien, Alfred aime qu’on lui raconte des histoires. Qui n’aime pas ça ? Arthur propose de lui en raconter une romantique, hypnotique et divinement tragique à la fois. Ce n’est que la première. Il va lui en conter plusieurs, ce sont celles de ses chansons.

Avec Alfred, nous allons faire la connaissance d’Eléonore et Léonard, une chanteuse de bar et son gigolo, adeptes de la roulette russe. Dans la forêt vierge, surprise par l’orage, une fille sauvage va pleurer pendant que la pluie redouble sur les deux promeneurs. Un baron noir les embarque dans son aéroplane pour survoler la Tour Eiffel. De retour d’un voyage dans l’espace de la galaxie Higelin, c’est sur un océan de glace qu’ils vont entendre les dernières notes de l’orchestre du Titanic. Un chercheur d’or, une boxeuse amoureuse, un cheval de feu et bien d’autres rencontres scanderont leur voyage onirique. Sans destination et sans but, n’est-ce pas la plus belle façon de voyager ?

Alfred et Arthur sont deux créateurs, chacun dans leur style. Ici, c’est le musicien qui initie le dessinateur à l’immense plaisir de se perdre dans des sons, de s’abandonner aux flux d’énergie pour s’oublier complètement, se connecter à soi-même et entrer en résonance avec son être profond grâce à la musique. Alfred lui répond que le dessin lui fait le même effet, quand son corps disparaît littéralement dans le trait en une transe légère. Faire de la musique, c’est jouer avec le temps. Dessiner, c’est faire apparaître ce qui bouillonne dedans sur la feuille blanche dehors. Alors que le dessin est un lien fort à l’enfance, la musique est une grande chance qui te prend et t’habite d’une façon mystérieuse. Dessiner en musique rend le dessin musical. La musique, c’est de la vie, dit Alfred. La vie, c’est du dessin, rétorque Arthur. Les arts s’imbriquent dans une douce mélopée.

La solidité du rêve est un voyage onirique. Les auteurs convoquent Fellini pour une quête spirituelle célébrant la jouissance du voyageur. Dans des vertiges graphiques diversifiées selon les chansons d’Arthur H, Alfred fait de ce livre un support de rêve, d’imagination, de création et de liberté. « Après tout, de quoi d’autre a-t-on vraiment besoin ? » A lire par une belle nuit étoilée.
One shot : La solidité du rêve
Genre : Ballade poétique
Scénario : Alfred & Arthur H
Dessins & Couleurs : Alfred
Éditeur : Casterman
Nombre de pages : 128
Prix : 18 €