Une promesse est une promesse
« -Pauvre Ben Donnigan… Il méritait pas ça, bien que ça soit rien qu’un voleur et un assassin ! J’suppose qu’il devait finir ainsi… C’est ce qui te pend au nez, J.B.Bone ! …Et pourquoi tu trimballes son corps comme ça, depuis le Nebraska jusqu’ici ?
-C’est qu’j’avais promis à Ben, au cas où ça tournerait mal, de l’enterrer à côté de la tombe d’Alabama Lightingale, sa bien-aimée…
-J’savais pas qu’il avait une bien-aimée !
-Y a bien longtemps qu’elle est morte, là-bas, au Montana, à Kaiser Rock. »
1876. Martha Jane Cannary alias Calamity Jane mène un convoi d’enfants de Deadwood à l’orphelinat de Rapid City. Leurs parents sont morts de la variole. C’est sur cette piste qu’elle rencontre le vieux J.B.Bone qui l’a jadis aidée. L’outlaw, car c’est un hors-la-loi, revient d’un casse au Nebraska qui a mal tourné avec dans un coffre traîné par son cheval le cadavre de son complice Ben Donnigan. Il lui avait promis que le jour où ça tournerait mal il irait l’enterrer à côté de la tombe de sa fiancée Alabama Lightingale au Montana à Kaiser Rock. Il a aussi promis d’accrocher le portrait d’Alabama à sa tombe. Calamity lui déconseille fortement de passer par Deadwood car sa tête est mise à prix. Ça pourrait bien intéresser un bon paquet de ces chiens de prairie de chasseurs de prime qui y grouillent. Le hic, c’est qu’il est obligé de s’y rendre car c’est une putain de là-bas qui a la photo qu’il doit épingler.

Bone ne va pas faire la route tout seul. Bien sûr, il y a le cadavre, mais il y aussi Moïse, un gamin sourd-muet, pas si demeuré que ça. Son nom, il en a hérité quand on l’a trouvé bébé sur une rivière dans un panier en osier, comme le patriarche biblique. Le môme va le coller aux basques. Evidemment, en arrivant à Deadwood, Bone va exciter les chasseurs de prime qui vont immédiatement organiser un convoi pour tenter d’empocher la prime qu’ils toucheraient s’ils ramènent sa tête. Un road movie à travers l’Ouest américain va commencer. Bone doit accomplir sa mission coûte que coûte. Et quand il flanche, Moïse va lui faire comprendre qu’une promesse est une promesse. Ni l’un, ni l’autre ne se doutaient des surprises qui allaient les attendre à l’arrivée.

Près de trente ans après sa première édition chez Delcourt, le one shot Chiens de prairie est réédité aux éditions Anspach, enrichi d’un dossier de Charles-Louis Detournay. Huit ans après L’œil du chasseur, les deux Philippe, Foerster et Berthet, se retrouvaient pour une deuxième collaboration, à l’initiative de Berthet désireux de s’évader des bagnoles et des villes américaines de Pin-up dont il venait de signer trois albums consécutifs. Le dessinateur rêve de grands espaces et de western mais ne prétend pas pour autant rivaliser avec les monstres du genre réaliste que sont Giraud, Vance, Hermann, Blanc-Dumont, Swolfs et Colin Wilson. Il assouplit son trait encore plus vers un semi-réalisme souple. Pour les décors, il s’imprègne des peintures de Frank McCarthy. En utilisant des personnages secondaires réels, Foerster brouille les pistes quant à la véracité du récit. En utilisant l’astuce d’une correspondance épistolaire entre Calamity Jane et sa fille, il évite les récitatifs impersonnels et profite du principe pour lâcher une petite surprise finale. Aux couleurs, Dominique David quitte les aplats pour des teintes dégradées qui donnent plus de profondeur aux scènes.

A la manière des films de John Ford et de Clint Eastwood, Chiens de prairie fait figure de classique par sa force, son traitement, ses rebondissements et son originalité. Il était temps qu’un éditeur le remette sur le devant de la scène. Et il paraîtrait même que Berthet et David se relancent dans le genre.
One shot : Chiens de prairie
Genre : Western
Scénario : Philippe Foerster
Dessins : Philippe Berthet
Couleurs : Dominique David
Dossier : Charles-Louis Detournay
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782311054299
Nombre de pages : 64
Prix : 17 €