La vérité vraie de la vie de Tronchet
« -C’est ça tes premières pages ? C’est pas hyper drôle…
-Quoi ? Il faut faire rire ? C’est obligé ?
-Non mais t’es humoriste… On attend plutôt des blagues de toi… Au minimum…
-Ah ! Je me suis déjà expliqué qur l’humoriste !! Dans un album que tu as publié !! Y a un moment où il faut arrêter avec l’humour à tout prix…
-Excuse-moi mais t’as déjà fait des albums sur tout, non ? Tu les cites, d’ailleurs… C’est gênant… Et cette histoire, tu l’as pas déjà faite ??
-Pas comme ça !! Je voudrais trouver l’histoire derrière l’histoire… La vérité du récit…
-Carrément… Tu mentais jusqu’ici alors ? »
Didier Tronchet est en pleine discussion avec son éditeur. Pour son nouvel album, il a envie d’essayer quelque chose de nouveau. Il voudrait passer un pacte avec le lecteur. Maintenant, on ne se dit que ce qui est vrai. Même si ça ne mène à rien ? C’est le risque. C’est un numéro de funambule dans lequel on peut tomber à chaque instant. Son éditeur reste très dubitatif quant à l’intérêt et au succès de l’histoire. Face à sa frilosité, Didier ne baisse pas les bras et se lance dans une véritable autobiographie. Alors qu’il a déjà mis de lui dans tous ses albums précédents, que ce soit évidemment L’année fantôme ou Le fils du yéti, entre autres, mais aussi Jean-Claude Tergal et Raymond Calbuth, il n’a pas l’intention ici de détourner la réalité.

Didier a perdu son père très jeune. Il a grandi avec sa mère, son grand-frère et sa grande-sœur, et bientôt sa cadette pas encore née. Personnage étonnant, maman a assumé son rôle de super-héroïne du quotidien. Elle a géré son foyer, à la fois tournée vers l’avenir pour ses enfants, mais aussi constamment vers le passé, entretenant le souvenir des morts de la famille. Didier va chercher dans l’enfance de sa mère les raisons du pourquoi du comment. On va vivre les derniers jours de son père et la prise de conscience à 14 ans que sa petite sœur était en fait sa demi-sœur. On va vivre les relations familiales complexes et les déménagements. Didier va aussi parler de sa vie d’adulte, de ses voyages, puis de ses retrouvailles tardives avec sa fratrie. Mais son éditeur va-t-il être d’accord pour qu’il raconte tout ça ?

« Je demande à un livre qu’il me donne du courage et ne me trompe sur rien. » Cette citation de Christian Bobin ouvre l’album et donne le ton. Dans ce cahier à spirale, Didier Tronchet dévoile son intimité, avec pudeur et émotion. Avec ce livre, il relie tous les indices qu’il a placé dans ses albums précédents, tous les fils qu’il a tiré depuis toutes ces années. Ce n’est pas le scénariste qui guide ici l’histoire, mais l’histoire qui prend par la main son rédacteur pour l’amener où elle veut. Tronchet fait rejaillir à la surface tout ce qui l’a construit… comme dans une séance chez le psy. Ici, le psy, celui à qui il parle, ce n’est pas un psy, c’est son éditeur qui, avec son rôle de contradicteur, de douteur plutôt, de catalyseur presque, pousse l’auteur à aller tout au fond de lui-même.

Avec Le cahier à spirale, Didier Tronchet livre un bouquin introspectif, intime, poétique et émouvant. Il démontre que les histoires éclairent et révèlent le réel. C’est pour cela qu’elles sont vitales. On aurait pu croire son œuvre futile. Grâce à ce cahier, il n’y a plus de doute. Elle est majeure.
One shot : Le cahier à spirale
Genre : Emotion
Scénario & Dessins & Couleurs : Didier Tronchet
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9782808507677
Nombre de pages : 192
Prix : 23 €