L’emprise en fuite
« -Si je réponds, je rentre à la maison. Si je réponds, je rentre à la maison. Si je réponds, je… »
Blackpool, Lancashire, Juin 2016. Un ciel bien gris. Une femme et son chien, dans leur voiture. Une déviation. Elle la prend. Le téléphone sonne. Elle ne répond pas. Elle ne répond pas. Elle ne peut pas répondre car si elle répond, elle rentre à la maison. Malgré la voix qui lui parle dans la tête, l’agresse et la rabaisse, elle ne cède pas. Mary préfère dormir dans le froid de sa voiture décapotable sur une aire d’autoroute, avec Nelson, un malinois. La fuite en avant de Mary ne fait que commencer. Elle fuit un mari toxique. Au fil de ses rencontres, tout au long de sa route, elle va prendre conscience de sa condition de victime. Réussira-t-elle à s’émanciper ?

Après La dame de fer et Lady Jane, Déviation est le dernier épisode de la trilogie anglaise de Béa et Michel Constant. Chaque histoire est indépendante. Déviation est une histoire d’emprise. Mary va effectuer une route au sens propre comme au sens figuré pour espérer changer le cour de sa vie. Dans ce genre de relation néfaste, la victime souffre d’un syndrome d’attachement qui l’empêche de s’évader, avec parfois de l’empathie pour son bourreau, une sorte de syndrome de Stockholm. Mary va en tous cas s’enrichir, s’enrichir de rencontres : une agent d’entretien, des touristes australiens, globe-trotters, un couple âgé dont le mari est atteint d’Alzheimer,… Chaque rencontre va être déterminante pour construire la femme qui pourra dire non.

Béa et Michel Constant portraitisent une société anglaise pauvre financièrement mais riche intérieurement. N’est-ce pas le plus beau des trésors ? Ils s’inspirent d’une histoire réelle pour cette immersion. Mary est un personnage qui se pense faible. A la limite de la schizophrénie, ses deux ennemis sont donc son époux, que l’on ne voit jamais, et sa voix intérieure, que fatalement on ne voit pas non plus mais que l’on entend beaucoup. Cette absence du mari est terrifiante, un peu comme le requin des Dents de la mer, qui terrorise les baigneurs sans que l’on ne le voit, jusqu’à la toute fin du film. L’album est aussi un hommage à la chanson anglophone : Joy Division, The Smiths, et surtout Freddie Mercury. Il se lit avec cette bande originale.

Déviation est une immersion en Angleterre. L’histoire n’aurait pas pu se passer ailleurs. Elle témoigne d’une société en souffrance mais qui sait faire preuve de solidarité pour s’entraider. Elle fait surtout prendre conscience que l’on n’a pas le droit de rester une victime, ou plutôt qu’on a le droit de ne pas rester une victime.
One shot : Déviation
Genre : Emotion
Scénario : Michel & Béa Constant
Dessins : Michel Constant
Couleurs : Béa Constant
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754836326
Nombre de pages : 72
Prix : 16 €