Ne m’oublie pas…
« -Ça fait un moment que ma déesse n’a pas joué à mon jeu… Et donc pensé à moi. Mais je ne m’en fais pas ! Monsieur Doudou va s’occuper de moi !
-Comment ça ?
-Notre déesse est jeune et crée sans cesse de nouvelles créatures. Mais elle s’en lasse aussi très vite… Et lorsqu’elle nous oublie, nous disparaissons, c’est comme ça. »
Diane Perrin est une autrice de livres jeunesse. La vieille dame est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle n’est plus capable d’écrire de nouvelles histoires, au grand dam des héros qu’elle a créés, et en particulier de Pabo, le rat, et la fée Cléo qui n’ont encore jamais été les héros d’épisodes de la série imaginée par Diane. « Les livres forment le monde et tracent les limites de notre réalité ! » Diane Perrin est la déesse de tous les personnages nés de son imagination qui aujourd’hui s’efface. Elle a construit le monde dans lequel ils vivent. Certains d’entre eux sont ses préférés, comme Boumboum, héroïne de 104 aventures. Pour elle, il n’y a pas trop de crainte à avoir. Elle vivra toujours par le biais de tous les autres dieux et déesses qui les auront lues. Bobo et Sir Gerald ont aussi vécu des tas d’histoires. Pabo et Cléo, eux, sont restés au stade de l’idée. Si l’autrice ne couche pas leur histoire sur papier, ils disparaîtront avec sa mémoire car ils ne seront jamais « lus » par d’autres. Il faut rapidement trouver une solution.

Alors que ces petits héros sont arrivés dans la maison de Diane il y a peu, une autre humaine va débarquer, avec sa mère, et son cortège de créatures que son imaginaire fait vivre. Cette humaine, c’est Lala, la petite-fille de Diane. Parmi ses jouets, il y a son doudou, le grand méchant Monsieur Doudou. Le hibou de chiffon est le favori de la déesse. Adulé par ses pairs, il influence sa maîtresse pour conserver sa place privilégiée, quitte à ce que ses compatriotes soient délaissés, au profit des nouvelles technologies. L’entente avec les personnages de littérature ne va pas être idyllique. Les rivalités se mettent en place. Et pendant ce temps, la mémoire de Diane continue de s’effilocher.

Petits Dieux est l’une des séries les plus originales de ces dernières années, aussi bien par l’orientation de son scénario, que par la conception graphique originale du monde qui disparaît. Mathieu Salvia concrétise les personnages imaginaires en les sortant du cerveau de leur créatrice et des pages des livres dont ils sont ou seront peut-être issus, et, un peu à la manière de Toy Story, humanise les jouets. Mais contrairement à Randy, Lala est sous l’emprise de l’un d’entre eux. Monsieur Doudou est fourbe et toxique. Après Alzheimer dans le tome 1, c’est bel et bien cette emprise qui est au cœur de ce deuxième tome. Au dessin et aux couleurs, Krystel sublime cette histoire émouvante. Alors que Salvia, on l’a dit, concrétise les personnages de littérature, Krystel concrétise le vide symbolisant les trous causés par les souvenirs croqués par le dragon blanc de la maladie. Ça donne des décors jamais vus, avec des compositions inédites.

Petits Dieux est une poésie dramatique, un magnifique hommage à la littérature et à l’imagination. « Certaines histoires sont spéciales, celle-ci en fait partie. » L’histoire se conclura dans un troisième tome. Tous ceux qui aiment lire ne peuvent pas ne pas adorer Petits Dieux.
Série : Petits Dieux
Tome : 2 – Monsieur Doudou
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Mathieu Salvia
Dessins & Couleurs : Krystel
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782505122104
Nombre de pages : 64
Prix : 12,95 €