Vis ma vie en H.P.
« -Bonjour, c’est pour quoi ?
-Euh… pour… euh… Pour de l’aide.
-D’accord. Pour les urgences psychiatriques, c’est le couloir à gauche. Des infirmiers vont vous recevoir.
-Ok.
-Je vais prendre votre nom et votre carte vitale s’il vous plaît. »
Blandine Denis est une jeune femme qui a besoin d’aide. Elle est admise aux urgences psychiatriques de l’hôpital. Des infirmiers vont la recevoir. Elle a pris des substances. Elle a 9 de tension. Elle est artiste de bande dessinée. Si elle est là, c’est parce qu’elle a des obsessions et des pensées intrusives qui grandissent dans sa tête. Au fil des jours, elles se font de plus en plus bruyantes et deviennent insupportables. Elle lutte pour ne pas les écouter, mais elles sont très fortes et persuasives. Elles la culpabilisent et la dévalorisent. Ce sont des TOC, des troubles obsessionnels compulsifs. Une psychiatre lui propose une hospitalisation qu’elle accepte. A 19 h, une gentille infirmière lui montre la chambre qu’elle va partager avec Assia, qui vient aussi tout juste d’arriver. Blandine va nous raconter son séjour, au fil des jours et de ses démons.

Les horaires sont stricts. On mange comme les poules. Les affaires personnelles sont auscultées afin qu’il ne reste rien de dangereux. Pas de lacet, pas de rasoir, ni même de téléphone et de chargeur. On n’a droit à son portable que cinq minutes par jour. L’ensemble des effets personnels est inventorié. Blandine est affublée du pyjama de rigueur et reçoit une dose de cheval de médocs. Les sédatifs font leur effet. Elle s’endort dans ce qu’elle appelle « la maison des fous ». De jour en jour, les autres patients lui partagent leurs traumas. Elle réclame aux soignants les outils pour aller mieux. Le temps s’étire. Elle s’ennuie. Elle dort. Elle subit les effets secondaires des médicaments : des décharges, des tremblements, une agitation incontrôlable,…
Chaque patient porte une histoire, un vécu. Certains semblent de bonne humeur. D’autres portent un chagrin immense. Chez certains, ça déborde, comme Michel qui tremble tellement qu’il ne parvient pas à manger son yaourt. Ce sont des enfants blessés qui ont besoin d’être pris par la main, à qui il faut réapprendre à vivre doucement. Tercian, lithium, abilify, paroxétine, sertraline, xanax, aprazolam, fluoxétine, aripiprazole,… : chacun son traitement, quand on ne passe pas de l’un à l’autre afin de trouver le bon.

Blandine se demande où elle en est par rapport aux autres. Comment en est-elle arrivée là ? Va-t-elle s’en sortir ? Est-elle malade ? L’autrice est en errance médicale depuis des années. Elle a rencontré des tas de thérapeutes qui lui ont tous diagnostiqué des pathologies différentes. Alors, autiste ? bipolaire ? HPI ? dépressive ? hypersensible ? borderline ?
Avec émotion et pudeur, Blandine Denis livre un témoignage inestimable. Une mauvaise rencontre, un mauvais choix, un hasard malheureux, personne n’est à l’abri de se retrouver dans sa situation. Il faut apprendre à vivre avec. Ça peut être long, c’est long, ce sera long. C’est pour ça que dès qu’elle est admise dans l’HP un infirmier lui dit : « Ça va aller, mademoiselle. » Certains auront la patience d’attendre l’hypothétique guérison, d’autres non, comme ma fille Katrina, ma chérie, qui est partie en août 2022, à 18 ans, après près de deux ans de souffrance, d’hospitalisations peu efficaces, d’abandon d’accompagnement par un médecin soi-disant réputé, peut-être parce que le cas était trop complexe pour lui. Dans ces mois sombres, certains soignants ont quand même tenté de tout donner pour l’aider… en vain. Des dizaines de scènes de cet album, elle les a vécues. J’aurais tellement aimé qu’elle puisse le lire pour prendre conscience qu’elle n’était pas toute seule.

Ce journal intime est une immersion poignante et instructive sur la vie des patients d’hôpitaux psychiatriques. Il est temps que leurs troubles cessent d’être tabous. Ce ne sont pas des fous. Ceux qui s’interrogeaient n’auront plus de doute après avoir lu ce livre qui leur apprendra qui ils sont.
A tous ceux qui souffrent de troubles psychiques, à tous ceux qui ont dans leur entourage quelqu’un dans cette peine, la lecture de « Ça va aller, mademoiselle » vous donnera la force d’avancer, non pas vers la lumière totale, Blandine Denis ne nous ment pas dans la conclusion, mais vers de belles éclaircies de plus en plus fréquentes et longues. Et habillez-vous en couleur, ça aide à les faire entrer à l’intérieur.
Titre : Ça va aller, mademoiselle
Genre : Tranche de vie
Scénario, Dessins & Couleurs : Blandine Denis
Éditeur : Lapin
Collection : Causes en corps
ISBN : 9782377541928
Nombre de pages : 176
Prix : 21 €