L’avocat qui a dit stop
« -Je sais bien qu’on vous encourage aujourd’hui à voter la mort. L’opinion, les médias, la foule amassée devant ce tribunal qui vocifère, vous encourage, mais vous savez bien qu’un jour la peine de mort sera abolie. (…) Alors le temps passera. C’en sera fini du tumulte, des encouragements, et vous demeurerez seuls avec votre jugement. Vous resterez seuls avec votre jugement. Et vos enfants, vos petits-enfants sauront un jour que vous avez décidé la mort d’un homme… » (Robert Badinter)
Robert Badinter est né à Paris le 30 mars 1928. Ses parents ont immigré de Bessarabie (aujourd’hui la Moldavie). Ils ont fui la discrimination juive et sont à présent naturalisés français. La France est le premier pays à avoir reconnu aux juifs le statut de citoyens en 1791. Pour Simon, le père de Robert, la France, c’est la République et l’égalité. Il n’imagine pas les années sombres qui allaient suivre. La famille fait fortune dans le commerce de la fourrure et emménage dans un chic appartement parisien. L’antisémitisme monte en France et la guerre est déclarée. Les juifs sont mis au pilori. Simon Badinter est arrêté. Robert, son frère et sa mère fuient en zone libre. Après la guerre, c’est le retour à Paris où il faudra tout reconstruire. Simon, lui, ne reviendra jamais de déportation.

Robert est orphelin. Il est humilié. Il est le fils de l’homme traqué, dépossédé de ses droits, persécuté, assassiné et dont il gardera à jamais le souvenir. C’est là qu’il faut trouver les raisons de son engagement pour la justice et pour le droit. Il voulait devenir professeur de droit. Devant attendre l’âge de 25 ans avant de passer l’agrégation, pour patienter, il passe, sans conviction, un certificat d’aptitude au métier d’avocat. Après s’être fait la main sur des procès de divorces, il entre dans l’équipe d’Henry Torrès, un ténor du barreau, ancien résistant. Il devient l’avocat du show-biz. En 1956, il rencontre l’actrice Anne Vernon qui deviendra sa première épouse. Ils se quitteront en 1964. Deux ans plus tard, Robert fait la connaissance d’Elizabeth avec qui ils auront trois enfants.

Entretemps, l’engagement en politique de Robert Badinter a pris de l’ampleur, tout d’abord aux côtés de Pierre Mendès France. Alors qu’il mène une vie bourgeoise, Badinter a choisi de s’engager à gauche parce qu’il défend la justice, garantie par l’égalité devant la loi et parce que la justice est totale, indivisible, qu’elle est aussi sociale et fiscale. Il est un social-démocrate, partisan de la redistribution mais pas de la confiscation. En 1971, l’affaire Buffet-Bontems relance le débat sur la peine de mort. Ces deux détenus sont à l’origine d’une prise d’otage qui tourne mal. L’un d’eux a tué, l’autre non. Malgré la plaidoirie de Badinter, les deux sont condamnés à la peine capitale. Le combat de l’avocat pour l’abolition de la peine de mort ne cessera jamais. Ça sera sa raison de vivre. En 1981, il devient Garde des Sceaux du gouvernement de Pierre Mauroy sous la présidence de François Mitterrand. La suite appartient à l’Histoire.

Après Gisèle Halimi l’insoumise, Jean-Yves Le Naour et Marko racontent la vie et la carrière d’une autre personne de loi qui a contribué à faire de la France un pays civilisé : Robert Badinter. Le scénario, le découpage et la mise en couleur si particulière en deux tons sont d’une efficacité redoutable, autant que les plaidoiries de l’avocat. A ranger à côté de L’abolition, album signé Malo Kerfriden et Marie Bardiaux-Vaïente paru chez Glénat, Robert Badinter Au nom de la justice est un récit mémoire indispensable.
One shot : Robert Badinter Au nom de la justice
Genre : Biopic
Scénario : Jean-Yves Le Naour
Dessins & Couleurs : Marko
Éditeur : Dunod Graphic
ISBN : 9782100875030
Nombre de pages : 96
Prix : 19,90 €