Le journal d’une sage-femme
« -Les filles, j’en peux plus… Ça fait deux jours que je suis de garde la nuit. Je ne vois plus la lumière du jour…
-Je voudrais être sous ma couette devant un bon film…
-En salle 6, il y a une dame primipare, sans antécédents particuliers, grossesse de déroulement normal à 39 semaines d’aménorrhée plus 3 jours, col ouvert à un doigt, présentation plongeante. Elle est en tout début de travail. Bref, rien à dire sur le plan clinique. Par contre, je ne les connais peut-être pas assez bien, mais je les trouve bizarres.
-Ah bon, pourquoi ?
-Bah tu verras… «
Aucun accouchement ne ressemble à un autre. Anna est sage-femme depuis quinze ans. Envoûtée, passionnée par son métier, Anna nous emmène à la rencontre de ceux et celles qui sont si chers à son cœur et qu’elle aime tant : ses patientes et ses patients. Fascinée par la naissance, la mort, les hôpitaux et l’espace depuis toute petite, en décalage avec les enfants de son âge, sa voie était toute tracée pour être au service de la vie. Etudiante, à 19 ans, c’est en assistant à un accouchement qu’elle découvre son destin : elle sera sage-femme. Les accouchements, les urgences, la réanimation d’un nouveau-né, la réalité dépasse tout ce qu’elle a pu lire. Tout est fort, tout est vrai. Elle est à la bonne place. A 23 ans, elle prête serment : « Je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. » Ceci n’est que le début. Dans deux jours, elle effectuera sa première garde de sage-femme.

Aucun jour n’est pareil à un autre. Aucune famille n’est identique à une autre. Anna connaîtra les plus belles joies et les plus grandes tristesses, comme celle d’un enfant mort à terme. Dans les cas comme ça, il faut revêtir le masque de la bonne humeur pour poursuivre la journée et accueillir les patients suivants. Ces femmes enceintes n’ont pas à remarquer les soucis. Entre celles qui ne veulent pas passer d’examens et d’autres qui refusent ou retardent toute aide médicale, Anna devra sortir les arguments les plus forts pour donner les meilleurs conseils afin de les accompagner au mieux dans leur projet de naissance. Les plus belles victoires sont certainement celles pour lesquelles le parcours a été celui du combattant : surmonter l’endométriose et l’infertilité, puis réussir sa grossesse et son accouchement après parfois des années de lutte, n’est-ce pas un moment merveilleux ? Comme le dit Anna, encore faut-il que les soignants soient bienveillants.

L’album énumère les cas divers et variés, et sans tabous. On y parle de dépression post-partum, d’accouchement dans l’eau, de la mort subite du nourrisson et du déni du décès, de ménopause joyeuse, de conflits de couple après la naissance. Anna est à la fois infirmière, psychologue, soutien. Le dernier chapitre du livre est consacré à sa propre vie, et notamment sa grossesse, prouvant à toutes les femmes et se montrant à elle-même que, bien que sage-femme, elle est une femme comme les autres.
Lauréate du prix Gisèle Halimi, Anna Roy livre sa vie et dit tout sur le métier de sage-femme dans cet album dessiné par Stéphanie Rubini avec pudeur et respect. Ode au métier, ces « histoires au féminin pluriel » pourraient bien donner envie à certain(e)s d’exercer la profession.

Exigeant et difficile, le métier de sage-femme apporte autant qu’il reçoit. « Moi je veux être utile à vivre et à rêver », chantait Julien Clerc sur des paroles d’Etienne Roda-Gil. Anna Roy, comme toutes les sage-femmes, est utile à vivre et à aimer. En mettant les patientes à l’honneur, « Si chères à mon cœur » en est la meilleure preuve. Vous ne naîtrez plus comme avant. Emouvant.
One shot : Si chères à mon cœur
Genre : Biographie
Scénario : Anna Roy
Dessins & Couleurs : Stéphanie Rubini
Éditeur : Hatier
ISBN : 9782401104600
Nombre de pages : 160
Prix : 21,95 €