Bon dimanche, marin !
« -Je file voir Olive Oyl, la plus chouette nénette du monde. Et j’vais la couvrir de baisers !
-Ah ! Euh… Oups ! Bonjoooooour !
-Alors ? On tourne le dos cinq minutes et voilà !
-Comment ça va, Ham ? T’as bonne mine, dis donc.
-Hé, minute vous deux !
-J’vais lui péter la mâchoire !
-Attendez, les gars ! Les gars ! Les gars, les gars, les gars !
-J’vais lui fermer les écoutilles, nom d’une pipe ! »
Lorsque Ham part retrouver Olive Oyl la frangine de son copain Castor, il ne s’attend pas à ce qu’elle soit vautrée dans les bras d’un marin aux avant-bras musclés. Si les rivaux comptent régler ça à coups de poings, la prétendante va mettre tout le monde d’accord à coups de bouteille et de tabouret. Elle va rapidement porter son choix sur Popeye, ce beau matelot borgne à la pipe. Le type a cependant l’uppercut facile, ce qui l’amène à quelques séjours au frais, quand il ne règle pas ses différents sur un ring de boxe. Olive, elle, adore cuisiner. Mais si Popeye venait sans ce goinfre de Mister Wimpy, ce dévoreur de hamburgers, l’un des piliers de l’auberge de Rough-House, ce serait quand même mieux. Dans l’Amérique insouciante des années 30, le petit monde de Popeye n’a d’autre préoccupation que d’aimer, manger et cogner. Le bon vieux temps, quoi !
En créant la série Thimble Theatre, Elzie Crisler Segar ne se doutait qu’il devrait attendre dix ans et l’apparition de Popeye dans un strip pour connaître un réel succès. Comme le dit Francis Lacassin dans des propos repris en préface, Segar pratique le comique de déconstruction. Il montre l’inadaptation du système social par l’absurde. Il ne propose pas une caricature de la réalité, mais son négatif. On l’a pris à tort pendant des années pour un héros à cause des dessins animés où il réglait les problèmes en ingurgitant des tonnes d’épinards. Dans ces bandes dominicales, Popeye se révèle comme l’un des premiers anti-héros de la BD. Il est impulsif, colérique et réfléchit avec ses muscles plus volontiers qu’avec son cerveau.
Dans l’esprit de la mythique collection Copyright lancée en 1980 par Etienne Robial et Florence Cestac, les éditions Futuropolis offrent au public des planches jamais éditées en France, dans un bel album à l’italienne. Les pages ont été soigneusement travaillées pour se retrouver au plus près des couleurs et du grain de la presse américain des années 30. Saluons le travail de la traductrice Sidonie Van Den Dries, tâche complexe en raison du langage parfois argotique employé dans la version originale. En quatre ans de « Sundays », on voit le trait déjà aguerri de Segar se préciser. Il met en scène ses personnages comme un chef d’orchestre. C’est là qu’on voit que des scénaristes comme ceux des séries courtes télévisées n’ont rien inventé. Segar a posé les bases d’une autodérision, se moquant de ses propres personnages.
« I’m Popeye the Sailor Man
I’m Popeye the Sailor Man
I yam wot I yam
And that’s all wot I yam
I’m Popeye the Sailor Man »
Il ne met pas un pied dans l’eau dans cet album, mais Popeye le marin, Popeye the sailor man, fait tellement partie du patrimoine qu’il est inconcevable de passer à côté de l’accostage de ces planches dominicales.
Série : Popeye
Tome : Sundays 1930-1933
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Elzie Crisler Segar
Traduction : Sidonie Van Den Dries
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754844888
Nombre de pages : 208
Prix : 32 €