Confinement et conséquences
« -Bonjour, Papa. Hier, j’étais débordée et je n’ai pas pu t’appeler… Aux Canaries, mais je suis en train d’embarquer pour Majorque… Comment ? Tu as entendu ça où ?… Attends, attends, ne raccroche pas… Excusez-moi. Pardon, je voudrais pas… »
Carol a un métier de rêve. Elle est testeuse d’hôtels de luxe. Elle est aux Canaries et vient de profiter pendant plusieurs jours des prestations d’un cinq étoiles. Elle s’apprête à quitter le pays pour se rendre aux Baléares afin de noter un autre établissement à Majorque. Le destin en décidera autrement. Nous sommes en mars 2020. A cause d’une épidémie, le monde est en train de se confiner. Lorsqu’elle rentre finalement à Bilbao, en Espagne, elle ne sait pas que le confinement va durer plus que les deux semaines annoncées. Elle retrouve son appartement de célibataire et appelle son père qui vit seul dans la même ville. A la télévision et à la radio, les informations annoncent une situation tendue. Le nombre de malades et de victimes du Covid-19 augmente. Les hôpitaux sont surchargés. Le soir, des applaudissements se font entendre aux fenêtres pour acclamer les soignants, premiers sur le front.
Quelques jours plus tard, Vicente, le père de Carol, contracte le virus et meurt. La jeune femme traverse la ville pour se rendre à son domicile. Elle appelle Linda, son auxiliaire de vie. Elle n’était pas là. Alors, qui a appelé l’ambulance pour prendre en charge Vicente ? Ce n’est pas la voisine de palier. Carol décide de dormir sur place dans son lit d’adolescente. Le lendemain, elle se rend compte qu’elle n’est pas seule dans l’appartement. Un jeune homme fait la vaisselle. Il lui demande comment va son père. Cet individu, c’est Omar. Il a dix-huit ans et a dû quitter le foyer qui l’hébergeait. C’est en faisant des petits boulots comme porter des courses chez des gens qu’il a fait la connaissance de Vicente qui lui a tendu la main. Maintenant que le vieil homme est décédé, que va-t-il advenir de lui ? En allant accomplir la dernière volonté du défunt, Omar et Carol vont apprendre à se connaître.
Le scénariste José Antonio Pérez Ledo a imaginé cette histoire lorsque sa compagne est revenue de la visite d’un centre de formation professionnelle dans un quartier de Bilbao. De nombreux jeunes, SDF, hébergés par des foyers, sans papiers, étudient le jour et mendient la nuit. Certains résistent tandis que d’autres abandonnent. Des bonnes volontés en aident certains en marge des institutions. C’est ce rôle qu’il a donné à Vicente. Si Carol a voulu protéger son père en restant à distance, Omar a vu l’opportunité de rompre son isolement social. Les auteurs ont mis en exergue les difficultés inédites liées à la pandémie, qui ont exacerbé d’autres problématiques. Dans une pure ligne claire en niveaux de gris, Alex Orbe apporte toute la sensibilité de son trait. Le titre interpelle. Il est finement choisi. La couverture synthétise parfaitement le propos avec cette ambiance solitude Covid que personne n’oubliera jamais.
La pandémie de 2020 a laissé des traces. Il y a eu des centaines de victimes. Il y a eu notamment dans la jeunesse des troubles psychologiques irréversibles. Il y a eu aussi des élans de solidarité inimaginables, qui ont permis d’imaginer des histoires poignantes comme celle de cet envahisseur.
One shot : L’envahisseur
Genre : Drame
Scénario : José Antonio Pérez Ledo
Dessins : Alex Orbe
Éditeur : Robinson
ISBN : 9782017265566
Nombre de pages : 176
Prix : 22 €