Comme des bêtes
« -Hey ! Ça fait un moment que je voulais te demander : avec ton palmarès, comment ça se fait que tu sois pas à Quantico, l’unité d’expertise scientifique du FBI ?
-Quantico ? Qu’est-ce que j’irais foutre là-bas ? Ces trous du cul bougent pas de leur chaise avant d’avoir analysé la moindre rognure d’ongle ou bidonné un profil psycho-mes-couilles du suspect. Je m’en fous de savoir si le mec a sucé le sein de sa mère jusqu’à vingt-cinq ans. Je veux juste sortir dans la rue et le ramener par la peau du cul. »
De 1978 jusqu’au milieu des années 90, les époux Sapolsky ont étudié plusieurs troupes de babouins dans une réserve naturelle du Kenya. Dans les groupes dits « de la forêt », les mâles alpha font régner la terreur par meurtre, viol et intimidation des mâles de rang inférieur. Vae victis. Malheur aux vaincus. Une troupe de babouins s’est, elle, habituée à se nourrir des restes d’un camp de touristes. Ils ne laissaient que les mâles alpha des autres groupes se joindre à eux. Suite à une contamination de la nourriture en 1983 et l’extinction des babouins alpha qui s’ensuivit, les nouveaux mâles dominateurs furent beaucoup moins belliqueux. Les affrontements se limitèrent alors entre mâles de mêmes rangs.
Etats-Unis, de nos jours, les hommes montrent une sauvagerie qui n’a rien à envier à la savane. Elle serait peut-être même plus cruelle. A Hartford, dans le Connecticut, une femme quitte une maison en flammes dans laquelle brûle le cadavre d’un avocat dont la maîtresse est épargnée. A Ozark, dans le Missouri, un suprémaciste-né prépare une bombe faite-maison et passe à deux doigts de la catastrophe. A Washington, au quartier général du FBI, Colleen Thompson se lance sur l’enquête, aux trousses de cette tueuse caméléon dont les intentions semblent politiques, versant anti-conservateur.
Spécialiste du roman noir, Emmanuel Moynot signe ici un scénario hors du commun. Tout en la comparant au système de vie dans les tribus de babouins, il dénonce les travers de la société américaine avec les magouilles, les tueries de masse et les déviances tout autant religieuses que militaires. De manière presque surréaliste, les chapitres « animaux du monde » consacrés aux babouins s’intercalent entre les épisodes du polar dont la violence va crescendo. Tout cela démontre que les primates sont bien plus évolués que les humains et qu’il serait peut-être bon de prendre exemple sur eux. Moynot écrit une histoire sombre et cynique, dans l’héritage de James Ellroy et de Jean-Patrick Manchette, avec un mode de narration inédit et tarantinesque.
En quelques années, Emmanuel Moynot s’est construit une biographie cohérente et riche, dont l’étendue va du Temps des bombes à L’humanité de mes couilles, en passant par l’adaptation de Suite française d’Irène Némirovsky et la reprise de Nestor Burma. Fils spirituel graphique de Tardi et de Golo, auteur mythique de La variante du dragon dans les années 80 pour (A suivre), il entre dans la short list des grands-primables d’Angoulême. La suprématie des underbaboons s’instaure comme l’album majeur de son œuvre.
One shot : La suprématie des underbaboons
Genre : Thriller
Scénario, Dessins & Couleurs : Emmanuel Moynot
Éditeur : Glénat
Collection : 1000 feuilles
ISBN : 9782344059807
Nombre de pages : 104
Prix : 21,50 €