Des ballons dans les ventres, même pour les garçons
« -Comment tu vas ? Tu… Tu te sens bien ?
-En gros, oui… J’oblige Eric à boire son café dehors, le matin, l’odeur me donne toujours la nausée… Mais ça va de mieux en mieux…
-Et… Avec Eric ? Ça va ?
-Oh oui… très très bien même… Je l’aime vraiment, tu sais, maman… J’espère bien qu’un jour, tu… Vous… Enfin, que tout s’arrangera, quoi…
-Moi aussi, Monique… Moi aussi ! Mais ton père… Tu sais comme il est… »
Novembre 1967. Monique est enceinte. Son père, le directeur de la briqueterie familiale, est furieux. Le futur père n’est autre qu’Eric, l’instituteur du village, un communiste. Vous vous rendez compte ? D’après la maman, le seul moyen d’atténuer la colère du paternel serait qu’elle accepte de travailler à la briqueterie. Monique n’a pas l’intention de se plier en quatre pour lui plaire. Pendant ce temps, Yveline poursuit ses études à la capitale. Il faudra attendre décembre pour qu’elle redescende rendre visite à sa famille et à ses amis. La vie étudiante très animée l’enchante. Il y a plein de débats, ce qui n’enchante pas son père (décidemment, les papas…) qui s’inquiète des premiers échos qui viennent de Nanterre, fac repaire de gauchistes et d’anarchistes. Un troisième Père, le curé du village celui-là, est plutôt préoccupé par les entraînements rugbystiques des jeunes locaux.
Nous sommes dans le Tarn-et-Garonne, les villages de Larroque et de Castelnau vivent au rythme de la balle ovale et de la France rurale qui reçoit les échos de la capitale. Paris est la ville où tout se passe, mais elle ne serait rien sans la province. A Larroque-sur-Garonne, la jeunesse a aussi des revendications. Tout comme les étudiants parisiens comptent peser sur les décisions politiques, les larroquais n’ont pas l’intention de laisser leurs parents décider à leur place. Monique et Yveline incarnent à leur échelle cette rébellion. Elles veulent être maîtresses de leurs amours. C’est l’époque où les femmes commencent à prendre la parole et à vouloir pouvoir décider de leurs corps. Tout se joue sur fond de rugby bien sûr, mais aussi de Monopoly, l’une des passions de Monsieur Vassiliu qui se remet doucement et avec tout son humour d’un accident vasculaire cérébral.
On est encore loin de 1972 et du procès de Marie-Claire Chevalier. L’album de Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel, Bobigny 1972, vous en dira plus. Pour l’instant, il est encore des grossesses soit non consenties, soit qu’il faut faire consentir aux autres. C’est toute la problématique de ce deuxième volet des vents ovales. L’épisode se déroule d’octobre 1967 à avril 1968. Chaque chapitre est un mois qui s’ouvre par une page d’actualités. On voit ainsi la tension monter, la chienlit sourdre, et le Sud-Ouest quitter petit à petit une certaine insouciance pour s’approprier la révolte. Mais ça, on n’y entrera vraiment que dans le tome 3. Jean-Louis Tripp et Aude Mermilliod signent une histoire chorale, une chronique de vies, un récit où l’air du temps est le personnage principal. Au dessin, Horne affine son trait jusqu’à se rapprocher d’un graphisme à la Michel Plessix dans certaines scènes. Jérôme Maffre arrive aux couleurs dans une continuité sixties immergeante.
Historique et feel-good, Les vents ovales est le témoignage d’un tournant de l’Histoire de France vu par le prisme de la province. Les vents de Nanterre commencent à atteindre le Sud-Ouest.
Série : Les vents ovales
Tome : 2 – Monique
Genre : Chronique de vies
Scénario : Aude Mermilliod & Jean-Louis Tripp
Dessins : Horne
Couleurs : Jérôme Maffre
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9782808502757
Nombre de pages : 128
Prix : 26 €