L’âme en les murs
« -Manoir Drosera, bonjour ?
-Mon amour ?
-Daphné !
-Je ne te dérange pas ?
-J’étais en plein travail, mais il me fallait absolument une pause.
-Comment vont les deux amours de ma vie ? »
« Il y a ceux qui dorment. Il y a ceux qui rêvent. Il y a ceux qui trouvent la nuit aussi claire que le jour. Et d’autres pour qui le jour est aussi sombre que la nuit. Papa… Tu fais partie desquels ? » Minuit sonne. Les Tic Tac réveillent Guerlain qui s’est endormi sur le sofa, avec son fils Nisse dans les bras. Il se lève délicatement pour aller le déposer dans son lit. Alors que le petit garçon replonge dans les bras de Morphée avec juste la force d’avoir pu souhaiter une bonne nuit à son père, ce dernier s’apprête à vivre une nouvelle nuit d’insomnie. Guerlain vient de revenir dans le manoir de son enfance, celui que lui ont laissé en héritage de leurs parents ses trois grandes sœurs. Il y séjourne avec son fils de 7 ans. Daphné, l’épouse et mère, est en déplacement pour son travail d’artiste.
Guerlain aménage les lieux et veille à l’éducation de Nisse. En ouvrant une armoire, trois corneilles s’échappent. Comment sont-elles arrivées là ? Elles ne quitteront pas la maison mais ne se laisseront pas attraper pour autant, déposant çà et là des pétales de fleurs. Comment ont-elles pu en récupérer puisque les fenêtres étaient closes ? Et quelle est cette ombre courant dans le jardin que Guerlain prend pour Nisse alors que celui-ci est dedans ? Le mystère va s’épaissir lorsque, au moment de la lecture du soir, d’étranges bruits vont se faire entendre. Un esprit ? Nisse va lui demander de frapper deux coups s’il veut que papa poursuive l’histoire, un seul coup pour non. TAP. TAP. Ça tombe bien, mais ça fait un petit peu peur.
Après Les fleurs de grand-frère et Le jardin, Paris, sans oublier une incursion dans l’univers des Légendaires, Gaëlle Geniller signe un troisième one shot de toute beauté, dans le fond comme dans la forme. L’histoire se passe en Angleterre dans les années 20, tout comme Le jardin, Paris. Si l’histoire n’avait pas été un huis-clos, les personnages auraient pu se croiser puisque « La Rose de Paris » vient se produire à Londres. Plus qu’une histoire de spiritisme, Minuit passé est un récit sur la difficulté de quitter l’enfance. Peut-on retrouver dans les lieux du souvenir les états d’âme de jadis ? Dans l’histoire, Nisse est beaucoup plus adulte que son père. Il s’avère être un fin analyste. Il arrive que certains fantômes ne sachent même pas qu’ils sont morts. Il faut savoir si l’esprit est là par errance, par vengeance ou par confusion. Ça, c’est l’enfant qui l’explique à l’adulte. Mais que cherche à faire comprendre la maison ?
Un mot sur la sublime maquette de l’album, avec un jaspage (impression sur tranche) qui donne l’impression que l’album sort tout droit de l’époque où se déroule l’intrigue. Un cahier graphique clôture le livre, avant qu’une scène post-générique, comme au cinéma, ne vienne rabattre les cartes de l’avenir des personnages.
Si l’écrivain Yasmina Khadra n’avait pas utilisé le titre Ce que le jour doit à la nuit pour l’un de ses romans, Gaëlle Geniller aurait pu appeler son album ainsi. Minuit passé, c’est aussi ce que l’adulte doit à l’enfant qu’il était. Une merveilleuse leçon ni plus ni moins sur le sens que l’on donne à sa vie.
One shot : Minuit passé
Genre : Emotion
Scénario, Dessins & Couleurs : Gaëlle Geniller
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
ISBN : 9782413078944
Nombre de pages : 208
Prix : 25,50 €