Témoignagnes et respect
« En temps de paix, les fils ensevelissent leurs pères ;
en temps de guerre, les pères ensevelissent leurs fils. »
Hérodote
Un collectif de plus de 60 autrices/auteurs BD s’est donné comme « mission » de mettre en images les lettres, extraits de journaux personnels ou notes d’une centaine de Poilus, écrits sur le front, à l’arrière, avant un assaut, une déportation, …
Les 2 tomes parus initialement en 2006 et 2012, rassemblés en une intégrale en 2015, ressortent aujourd’hui dans une nouvelle édition …
Un témoignage unique sur la Grande Guerre vue de l’intérieur … de ces Poilus jetés en pâtures sur des champs de batailles sanglants.
Une guerre après une ère de 20 ans de croissance et 40 de paix en France et en Europe ! Une « Belle Époque » marquée par les développements techniques, les innovations dans tous les domaines, les synergies intellectuelles, les fastes des expositions universelles et coloniales, … illuminent les capitales européennes.
Une « Belle Époque » qui voit exploser une renaissance culturelle riche et variée ! Notamment en peinture avec ses divers courants : impressionnisme, fauvisme, expressionisme, cubisme, … !
Mais pour maintenir cette croissance, de nouveaux empires sont nécessaires, de nouvelles ressources indispensables ! Les « pays modernes » ne se construisent pas sur des châteaux de sable mais sur des luttes sociales ! Et si personne ne veut la guerre, cette dernière devient inévitable avec les expansions des empires coloniaux ! Mais quelle guerre ! Une mondiale, la première ! Si des guerres coloniales se déroulaient en Afrique, en Asie, … elles étaient loin du sol européen et passaient quasi « inaperçues » aux yeux du grand public !
Ainsi dans les hautes sphères, aussi bien en France qu’en Allemagne, on prépare lentement mais sûrement les populations à un affrontement direct ! Ils mettront 10 ans à faire sournoisement évoluer les mentalités, réussissant à convaincre, chacun de son côté du Rhin, que l’ennemi est sur l’autre rive !
Il est oublié le temps où l’ennemi héréditaire de la France était la perfide Albion !
En 1914, les esprits sont échauffés, prêts à se plonger dans l’horreur sans nom d’un conflit qui ne mettra personne à l’abri : l’enfer des tranchées, des gaz, les attaques aveugles et massives, véritables boucheries inutiles, … l’appel aux contingents des colonies …
Il n’y a plus qu’à attendre l’étincelle qui mettra le feu aux poudres ! Nous sommes le 28 juin 1914 et à Sarajevo quelqu’un l’allume !
Les Poilus vont y être plongé … 4 ans, 3 mois et 9 jours d’enfer !
Se remémorer l’enfer de leur quotidien, leurs espoirs, leurs déceptions, leur rage parfois, comme leurs horreurs face à un conflit où ils n’étaient finalement que de la chair à canon, sacrifiable pour gagner 5 m de tranchées.
« Je dis franchement. Un homme de 35 ans qui meurt, est un foyer détruit, avec toutes ses responsabilités et ses charges ; – mais, je ne puis ni m’empêcher de me demander si il n’y a pas encore plus de tristesse lorsque ce qui est brutalement détruit, c’est l’espoir même du foyer. »
Lieutenant Albert-Jean Després, 35 ans – Lettre à son fils de 9 ans – 11 octobre 1916
Des millions de morts, plus encore de blessés et combien de mutilés à vie ! Pour un résultat qui changea peut-être la carte de l’Europe, mais jeta les fondations du suivant, plus apocalyptique encore s’il avait été possible de l’imaginer.
A travers ce recueil des 3 tomes de « Paroles de Poilus – Lettres du front – 1914/1918 » nous ne pouvons qu’effleurer ce que tant de Poilus ont souffert.
« Je suis trop sale et j’ai trop de poux. Je ne peux croire que c’est le fumier qui fait la rose – et que notre pourriture acceptée par le camp et la tranchée, que notre révolte, que notre douleur feront de la justice ou du bonheur. »
Henri Aimé Gauthé – Lettre à sa correspondante de guerre
Vie (si nous pouvons appeler cela une « vie ») dans les tranchées, attentes avant l’attaque, barrages d’artillerie, coup de filet et poussées d’adrénalines, attaques sous les tirs de mitrailleuses des boches, les blessures (si par chance, la mort ne veut pas de vous), l’hôpital voire le camp de prisonniers, sans omettre le sort réservé aux déserteurs ! Tant de mots cachant tant de souffrances !
« Sur le soir l’on nous apprend une horrible nouvelle : au-dessus de nous l’asile brûle ; les obus ont mis le feu, c’est un véritable brasier ; puis le feu tombe par les soupiraux et enflamme la paille sur laquelle nous sommes couchés. Alors c’est un véritable sauve-qui-peut, les femmes, les enfants, les vieillards et les moins blessés se sont enfouis et moi qui ne peux faire un mouvement, je reste abandonné avec plusieurs de mes camarades, le feu se rapproche de nous. Alors, je me traîne, jusqu’au bas des marches, mais quelle souffrance j’ai endurée ! Je crache du sang à pleine bouche. »
Désiré, Lettre à sa fiancée, 22 août 1914
Des témoignages directs, vrais, sensibles ou durs, insoutenables bien souvent, tendres et amoureux parfois … des lettres de vie et de mort, admirablement mises en images par 60 autrices et auteurs du 9ème Art tel Bailly, Bajram, Boucq, Démarez, De Metter, Jarbinet, Lepage, Lidwine, Guarnido, Parnotte, Pedrosa, Rossi, Mallié, Juan Gimenez, Vernay, …
Chacun dans son style, avec sa sensibilité et son approche personnelles, parfois loin de ses univers de prédilection, a réussi à transposer chacune de ces lettres en un court récit de 2 à 6 pages.
Toutes ces lettres sont authentiques. Ces tranches de vie ont pu être regroupées suite à un appel sur Radio France en 1998. Des dizaines d’enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de poilus y ont répondu en confiant lettres et journaux de guerre de leurs aïeux afin d’enrichir cet émouvant recueil d’après les ouvrages de Jean-Pierre Guéno.
Lectrices, lecteurs, rappelle-toi d’eux ! Ils avaient 17 ans ou 50 ans, étaient paysans, instituteurs, ouvriers, boulangers, bourgeois et devinrent pour « la plus grande gloire » de … personne finalement … mais pour notre liberté et la chance de pouvoir écrire ces mots librement de la chair à canon sous des uniformes d’artilleurs, de fantassins ou de brancardiers !
Un travail de mémoire remarquable pour des hommes, les plus de 2 millions de Poilus qui ne rentrèrent jamais chez eux, pour les 4 autres millions qui revinrent dans leur foyer blessés ou mutilés à vie !
Ils méritent notre respect éternel …
Titre : Paroles de Poilus – Lettres du front 1914/1918
Scénariste : Jean-Pierre Guéno
Illustrateurs / Coloristes : collectif dont Pierre Alary, Bailly, Bajram, Bertail, Biancarelli, Boucq, David B., Démarez, De Metter, Drans, Adrien Floch, Juan Gimenez, Guarnido, Jarbinet, Lauffray, Lepage, Lidwine, Mallié, Thierry Martin, Emmanuel Moynot, Parel, Parnotte, Paty, Pedrosa, George Pratt, Rabaté, Thierry Robin, Rossi, Alec Séverin, Florent Silloray, Béatrice Tillier, Varanda, Valérie Vernay, …
Éditeur : Soleil
Genre : Histoire, Biographie, tranches de vie, témoignages
Pages : 288
ISBN : 978 2 3021 0425 9
Prix : 39,95 €