Qui est qui ?
« -On est mardi aujourd’hui. T’es pas venu travailler hier. Le patron est furax.
-Mais non, on est lundi… Sérieux ? Tu serais assez vicieux pour trafiquer la date partout juste pour gagner ton pari ? Ça marche pas. Je ne suis pas dupe.
-Je te promets ! Regarde sur ton téléphone ou sur internet. Hier, je t’ai appelé plein de fois pour que tu te ramènes, mais t’as jamais répondu.
-Promis, tu ne me fais pas de blague ? Ça ne me fait vraiment pas rire…
-Tu me crois capable d’une blague aussi sophistiquée ? »
Sur la scène d’un théâtre à la française, un acrobate fait son numéro. Une chute n’interrompt même pas sa prestation. L’artiste se relève et poursuit. C’est Lubin, un jeune homme d’une vingtaine d’années à la longue chevelure blonde. Le lendemain, il se réveille et se rend à son travail à la supérette. Le lendemain ? Il croit être lundi. C’est déjà mardi. Son collègue Léandre lui apprend qu’il n’est pas venu la veille et que le patron est furax. Lubin en est tout abasourdi. Il aurait dormi 24 heures ? Peut-être est-ce dû à son coup sur la tête au théâtre ? Le soir, Lubin retrouve Gabrielle, sa petite amie. Au réveil, il est déjà jeudi. Encore un jour qui a disparu pour Lubin ? Toujours est-il qu’il est viré de son job. La situation va devenir vraiment mystérieuse le jour où Lubin va rater le départ de sa troupe de théâtre pour Bruxelles. Ses camarades de jeu lui apprennent qu’ils sont venus le chercher chez lui la veille et qu’il n’y avait personne.
Les jours disparaissent au sens propre dans la vie de Lubin. Un jour, il se réveille les cheveux coupés cours. Il se filme la nuit. Il pensait qu’il dormait pendant les journées oubliées. Même pas. C’est comme si quelqu’un prenait sa place. Il ne se souvient de rien. Il se confie à Gabrielle. Est-il schizophrène ? Souffre-t-il d’un dédoublement de la personnalité ? Son « double » se filme sur son ordinateur. Il se pense amnésique, se découvre Lubin Maréchal. Le corps est manifestement partagé. Au fil du temps, les périodes de disparition vont être exponentielles. Lubin souffre-t-il de schizophrénie ? de bipolarité ? Toujours est-il qu’il est de moins en moins longtemps maître de son corps. Le doute et le trouble s’installent. Deux vies se partagent sans se mélanger. Qui phagocyte qui ?
Timothé Le Boucher écrit une histoire terrifiante. Rarement un auteur aura réussi à faire monter une tension de cette façon. On y va pas à pas. On accompagne Lubin le vrai et Lubin l’imposteur au fil de leurs apparitions. Le « faux » laisse des messages au « vrai » sur l’ordinateur. Pour que le lecteur ne s’y trompe pas, le « faux » s’exprime dans des phylactères orangés. En avançant dans le temps, le doute n’est plus que dans la tête de Lubin. Il est aussi dans celui du lecteur, jusqu’à la dernière page que l’on peut interpréter de plusieurs manières. Les personnages secondaires sont extrêmement bien campés. Les problématiques parallèles sont incroyablement d’actualités pour un album paru il y a déjà sept ans. De l’intelligence artificielle au genre, Ces jours qui disparaissent était et est encore en avance sur son temps, comme une parabole sur un avenir qui nous attend tous, une mise en garde face à la société qui voudrait que l’on soit autre chose que ce que l’on souhaite. Ça pourrait être glaçant. Ça porte à réflexion, invitant à profiter de chaque instant présent.
Publié pour la première fois il y a sept ans, Ces jours qui disparaissent a été l’un des albums événements de l’année 2017. Ce troisième album de Timothé Le Boucher l’a révélé au grand public. La collection poche des éditions Glénat le remet en lumière. Plus que mérité pour ce one shot immanquable.
One shot : Ces jours qui disparaissent
Genre : Emotion
Scénario, Dessins & Couleurs : Timothé Le Boucher
Éditeur : Glénat
Collection : BD poches
ISBN : 9782344064221
Nombre de pages : 192
Prix : 10 €