Cross over pour une boule rouge
« -Vous êtes ici en touriste ?
-Oui, j’adore… la France.
-C’est la première fois que vous venez ?
-Oui. J’ai toujours voulu visiter… Je connais un peu la langue… Je suis ici… depuis… trois mois.
-Trois mois ! Vous faites un long voyage, Monsieur… Monsieur ?
-Euh… Lassiter. Jonathan Lassiter.
-Je suis ravie. Bertille Bertille. »
Noël 1966, dans le compartiment d’un train partant de la gare Montparnasse, John Lassiter, américain du Nebraska, fait la connaissance du commissaire Louis Bertille et de son épouse, dont le prénom est le nom de son mari. C’est pour cela qu’elle s’appelle dorénavant Bertille Bertille. Le quatrième voyageur du compartiment va rapidement éveiller les soupçons du policier et révéler son vrai visage. Il a pris Lassiter en filature pour le compte d’un homme d’affaires américain très important, afin de retrouver Edward, truand et escroc notoire qui avait embringué John dans les tourments de la nuit parisienne après qu’il se soit fait dérober ses papiers. Le suiveur est arrêté à la gare d’arrivée, à Saint-Brieuc. Le couple propose à John de les accompagner sur leur île, dans leur villa derrière laquelle se trouve une gigantesque boule rouge, la gigantesque et énigmatique boule rouge à laquelle ils avaient eu fort affaire quarante ans auparavant.
Si les protagonistes de cette histoire vous rappellent quelque chose, c’est tout à fait normal. Eric Stalner réunit les personnages de deux one shot qu’il a signé : Bertille et Bertille, polar fantastique, et 13 heures 17 dans la vie de John Lassiter, thriller psychologique.
Dans le premier récit, Bertille et ses hommes arrêtent un anarchiste dans un café restaurant de banlieue parisienne. En ramenant l’individu en voiture, sur une petite route, le véhicule voit sa route coupée par une grosse boule rouge venue de l’espace et qui se pose à grand fracas dans la campagne francilienne. Ils n’ont jamais vu un truc pareil. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un obus. Sur les lieux, le commissaire rencontre une jeune femme, elle aussi témoin de l’atterrissage de l’OVNI. Elle s’appelle Bertille de Chavronnes des Argons. C’est une petite bourgeoise qui aime bien fourrer son nez dans les affaires qui ne la regardent pas forcément. Pendant ce temps, le prisonnier disparaît dans la nature. Entre les tourments politico-anarchistes de la Belle Epoque et cette boule surnaturelle qui vient d’apparaître et grossit de jour en jour, Bertille et Bertille étaient faits pour se rencontrer.
Dans le second, Jonathan Lassiter, trentenaire américain employé d’assurances, a été plaqué par sa chérie Helen et viré de son job au cabinet Maxwell. En 13h17, Edward va démontrer à Jonathan comment on prend son destin en mains. Edward est un truand semble-t-il en retrait des affaires. Homme de la nuit, il amène Jonathan dans un grand hôtel, marbre sur le sol, larges colonnes, fauteuils en cuir, belles femmes et clients bien habillés, haut lieu de l’élégance et du bon goût. Mais, ça, c’est l’apparence. En réalité, c’est la jungle. C’est ensuite dans un club select dont il était précédemment propriétaire qu’il amène son « élève » d’un soir pour lui faire découvrir là une autre face de la nuit, plus mafieuse, plus truande, mais tout aussi cravatée. Toutes les cartes sont à présent jouées. Jonathan va découvrir comment Edward va abattre son jeu, en se servant de lui tout en lui offrant une certaine prise de conscience.
A la manière de ce qu’il a fait avec Fabien M. et La croix de Cazenac, Eric Stalner mélange deux univers qui n’avaient rien pour se croiser. Bertille et Lassiter mêle le polar et le fantastique, les amoureux et les truands. Le récit a une ambiance fin d’époque, celle où la pègre faisait la loi au grand dam des flics qui ne se laissaient pourtant pas faire. On va en apprendre plus sur cette fameuse boule, mais l’auteur garde une part de mystère qui donne, contre toute attente, un côté très émouvant au récit après un assaut impitoyable. Y aura-t-il une suite ? Peu importe. D’un côté, on aurait envie de retrouver encore les personnages. D’un autre, on ne serait pas contre préserver le côté énigmatique.
Stalner est un stakhanoviste de la BD. Adepte des one shot et des séries relativement courtes, chacune de ses histoires montre un angle d’approche particulier qui fait qu’on s’en rappelle. Comme les autres, Bertille et Lassiter est Stalnerissime.
One shot : Bertille & Lassiter
Genre : Polar fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Eric Stalner
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand angle
ISBN : 9791041103898
Nombre de pages : 96
Prix : 19,90 €