Sur les pas de l’enfance
« -Qui va me lire la phrase ? Toi, Frédéric ? Frédéric ? On t’écoute ! »
Frédéric Bihel revient avec sa mère dans le village de son enfance. Ensemble, ils redécouvrent Château-Chervix dans le Limousin. Après deux bières au Café de la Tour, le bar-supérette-relais postal, ils arpentent les rues du village, appareils photographiques en mains. La Mairie, la première école et sa petite cour, les lieux font émerger les souvenirs. Ça y est. Nous sommes au début des années 70. Frédéric a six ans. C’est sa première année d’école. Ils viennent d’emménager dans le hameau voisin. Un petit fourgon fait le ramassage scolaire. C’est le temps de l’apprentissage de la lecture, les aventures avec Michel, le meilleur copain. Avant de savoir complètement lire, il regarde les albums de Mickey à travers les siècles et les magazines Pif Gadget.
A l’école, ce ne seront pas que des bons souvenirs avec le bégaiement et les moqueries des camarades. Plus tard, les parents se séparent. Frédéric emménage en ville avec maman dans un appartement. Un jour, au lieu d’aller à l’école, il monte au grenier. Il y retournera plusieurs fois. Il y retrouvera une petite fille, quelques années de moins que lui, à qui il fera des dessins, le bateau d’Ulysse et autres extraits du livre d’Homère qui le passionne. Il va lui offrir une boîte, une boîte de crayons de couleurs.
Dans un dessin crayonné en niveaux de gris, Bihel choisit quelques éléments à mettre en couleurs comme le bus de ramassage scolaire, la voiture de son père ou le pull de la petite fille, les illustrés, un bateau en plastique, une gomme et les crayons de couleurs. On comprend au fil de l’histoire que c’est tout ce qui a pour lui valeur d’émotion, en rapport avec des blessures ou ce qui a aidé à une certaine résilience. Après le cœur de l’album, deux très courts chapitres et un épilogue concluent l’histoire. L’antépénultième partie est toute en couleurs. Impossible d’expliquer pourquoi sans déflorer le propos, mais c’est là que l’ensemble du traitement graphique de l’album prend tout son sens.
Après l’excellent A la recherche de l’homme sauvage, hommage appuyé à Tintin au Tibet, Frédéric Bihel poursuit le virage intime de sa biographie. Les crayons est son album le plus personnel et le plus marquant, le plus abouti aussi, celui avec lequel il passe du statut d’auteur de bandes dessinées à celui d’artiste.
« J’ai commencé tôt la nostalgie. », chantait Barbara dans Mendelson, en 1983. Frédéric Bihel nous invite dans la sienne en signant le plus vibrant hommage qu’il pouvait faire à un membre de sa famille. Emouvant.
One shot : Les crayons
Genre : Emotion
Scénario, Dessin & Couleurs : Frédéric Bihel
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754834711
Nombre de pages : 120
Prix : 23 €