La cantatrice blonde
« -Oui. Je chante ce soir au Kursaal de Klow… Vous plairait-il de m’entendre maintenant ?…
-Très volontiers…
-Ah ! Je ris de me voir si be-e-elle en ce miroir !… Est-ce toi Mar-gue-ri-te ?
-Heureusement, les vitres sont solides !… »
Lorsque Tintin monte dans la voiture de la Castafiore au beau milieu du Sceptre d’Ottokar, ni lui, ni Hergé, ni les lecteurs ne se doutaient qu’il venait de rencontrer celle qui deviendra l’un des personnages les plus mythiques du Neuvième Art. Après la biographie non autorisée signée Albert Algoud, Pierre Bénard, déjà auteur d’ouvrages sur Moulinsart et sur Tournesol, s’attaque à la cantatrice. Contrairement et complémentairement à la disgression humoristique d’Algoud, Bénard analyse objectivement la carrière et le caractère du rossignol milanais, « celle qui rit de se voir si belle » en son miroir.
« Casse-pieds émouvante, fléau secourable, grande artiste admirée, courtisée… et évitée », Pierre Bénard définit ainsi celle qui finalement apparaît seulement dans neuf albums, dont certains où elle fait des apparitions furtives. C’est dire si la Castafiore a une puissance hors du commun. C’est donc dans la forêt Syldave, au tout début de l’année 1939, que Tintin est amené par la Cadillac de la cantatrice de la Scala de Milan. Il n’y restera pas bien longtemps. Etourdi par son chant, il prétexte avoir oublié quelque chose dans une auberge pour se faire déposer.
L’auteur de l’essai compare ensuite cette rencontre avec celle faite par Tintin avec les autres personnages principaux de l’univers hergéen. On n’assiste pas à l’instant même du premier regard, ce qui laisse une impression un peu fabuleuse. La Castafiore « naît » dans la forêt, comme un personnage de conte.
Bianca ne peut se passer de chanter. C’est une boîte à musique. Bénard fait remarquer que l’air des bijoux du Faust de Gounod revient comme un écho d’album en album. Si la Castafiore ne peut pas être qualifiée d’affriolante, elle n’en reste pas moins femme, au moins en apparence ajoute l’exégète sans vraiment prendre position par rapport à la théorie d’Albert Algoud selon laquelle ce serait un homme. Lorsque Tintin la retrouve quelques pages plus loin, on assiste à l’une des scènes mythiques de la série où Tintin brise une verrière avant de tenter de prévenir le roi Muskar qu’un attentat se prépare.
La Castafiore reviendra donc épisodiquement dans les aventures de Tintin (et surtout dans les dernières) comme le fameux sparadrap du Capitaine Haddock qu’il n’arrive pas à se détacher des mains. Lequel Capitaine ne manquera pas d’imagination pour établir tout un tas de surnoms à la chanteuse, qui elle-même ne parvient jamais à dire correctement le patronyme du marin. Cataclysme, catastrophe ou autre cataplasme enfleuriront le patronyme de Bianca.
Dans une minutie impressionnante, Pierre Bénard se demande si elle est une fée ou une sorcière. Entre apparitions salutaires et mauvaises relations, Bianca gère sa carrière. Comment ne pas s’attarder sur cet album hors du temps qu’est Les bijoux de la Castafiore ? Le personnage explose en rayonnant dans le château. Elle y est mélodieuse et culottée. Igor, Irma, le ara, la pie, sont autant d’acteurs déterminants dans ce huis-clos qui fit figure d’album particulier dans la collection des aventures de Tintin. Bénard s’attarde ensuite entre autres sur les rapports entre la Castafiore et le Capitaine Haddock dans un chapitre judicieusement intitulé La signora Haddock. En conclusion, l’essayiste revient sur la personnalité multiple de cette Florence Foster Jenkins dessinée et termine avec une note d’émotion.
« Il faut absolument que je chante ! » dit la Castafiore lors de sa dernière apparition officielle dans Tintin et les Picaros. Chantez, mais n’oubliez pas de lire. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Bianca Castafiore Celle qui rit de se voir si belle
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Pierre Bénard
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9782494744158
Nombre de pages : 142
Prix : 15 €