Dans les bras de New-York
« -Madame Pembleton, c’est un honneur de vous rencontrer !
-Monsieur Lefort, vous voulez me faire rougir. Même si je n’ai plus l’âge de recevoir de tels compliments de la gent masculine, je suis heureuse de voir que le charme français opère toujours ! Entrez, je vous prie. Allons nous installer sur la terrasse ! Attention de ne pas vous cogner à tous ces souvenirs : il y en a beaucoup dans cette demeure, et ils pèsent aussi lourd que les années qui passent. »
1985, l’écrivain Roger Lefort débarque à New-York. Il a déjà rédigé une dizaine de biographies. Aujourd’hui, il vient rencontrer Louise Pembleton. Créatrice de mode, illustratrice, journaliste, photographe, actrice, féministe engagée, elle a vécu plusieurs vies en une seule. Pendant trois mois, il va séjourner dans l’hôtel de son neveu Thomas à quelques kilomètres de chez elle, à Cape May dans le New Jersey. Ils ont prévu de se rencontrer tous les après-midis, du lundi au vendredi. A 84 ans, c’est la première fois que Louise accepte de faire l’objet d’une biographie, peut-être parce que c’est à l’initiative d’un éditeur français, pays où elle a vécu. Une fois installé dans sa chambre d’hôtel, l’écrivain rejoint le chauffeur qui vient d’arriver. Direction 208 Atlantic Boulevard, une grande maison en bois sur le front de mer.
Louise Pembleton accueille chaleureusement son hôte et l’emmène avec elle dans ses souvenirs. Tout commence en 1908, pour son anniversaire, ses 7 ans, ses parents lui offrent une boîte de crayons de couleurs. Ce sera le dernier anniversaire qu’elle fêtera avec son père, emporté dans l’année par une maladie grave. Sa mère du prendre un travail administratif pour subvenir aux frais de la famille. Son frère commença à travailler dans l’hôtellerie pendant que Louise et sa sœur allaient encore à l’école. A partir de 17 ans, ce furent cinq années d’école d’art à Philadelphie. Mai 1925, Louise arrive à New-York. C’est une nouvelle vie qui commence. Elle a rendez-vous à la rédaction d’un magazine féminin relancé par Richard Maxwell pour y être embauchée comme graphiste.
Ben Prieur narre le destin d’une enfant du XXème siècle. A travers le parcours professionnel d’une jeune fille qui deviendra une célèbre graphiste dans le milieu de la mode, il raconte l’histoire d’une ville : New-York, Big Apple, la ville qui ne dort jamais. A l’instar de ce qu’a fait Armistead Maupin avec Les chroniques de San Francisco pour cette ville de l’Ouest, livres adaptés en bande dessinée par Isabelle Bauthian et Sandrine Revel, Ben Prieur se sert de personnages pour raconter New-York. Vue l’époque, il va bien sûr être question de prohibition, mais aussi de féminisme. Les pensionnaires de Miss Daisy sont toutes des filles qui prennent leurs destins en main, en particulier bien sûr Louise.
On n’attendait pas Djief ici. Le dessinateur de Créatures montre un pan méconnu de son talent. Dans une unité de tons sépia, il se fait le graphiste de la vie d’une graphiste. Son trait et ses couleurs sont d’une délicatesse incroyable. La semaine sans paroles avec uniquement des images et une planche par jour est une prouesse de mise en scène.
Il fallait bien un éditeur particulier comme Les sculpteurs de bulle pour mettre en valeur une telle petite pépite. On ne peut pas être aussi bien défendu chez un gros éditeur qui surproduit. Les sculpteurs font le pari de se passer au maximum des librairies pour des raisons économiques justifiées. On peut se procurer l’album en ligne.
« La pension de Miss Daisy » est le premier tome du premier diptyque des chroniques de Louise Pembleton. Immersion dans le New-York des années 20, on y découvre comment une ville et une jeune femme se sont rencontrées pour un destin lié. Fascinant. On a l’impression de lire un film avec Audrey Hepburn.
Série : Les chroniques de Louise Pembleton
Tome : 1 – La pension de Miss Daisy
Genre : Emotion
Scénario : Ben Prieur
Dessins : Djief
Éditeur : Les sculpteurs de bulles
Collection : Empreintes
ISBN : 9791092486742
Nombre de pages : 64
Prix : 30 €