Retour au naturel
« -Ça y est ! On a réussi !! On a fait le grand saut ! Finis la ville, la pollution, le stress !! On va bâtir ici une nouvelle vie ! Ne plus dépendre du système… Travailler dur pour être autonomes…
-Heu… L’idée, c’était pas une année sabbatique ??
-Si… Mais on commence par…
-Attends ! J’ai ici la définition : « sabbatique »… « Congé qui permet au salarié de prendre une année de repos »… Alors, déjà, je vois pas les transats… »
Quittant la ville et la pollution pour la saine et isolée campagne, un couple de parisiens décide de remettre sa vie en question. Enfin, surtout Madame. Monsieur ne partage pas franchement l’idée bourgeois-bohème de son épouse. Il va pourtant bien falloir qu’il fasse contre mauvaise fortune bon cœur. Les voilà donc nouveaux propriétaires d’une maison en milieu de forêt au bout d’un chemin sur lequel personne ne passe. Si Madame a bien l’intention de vivre avec le strict nécessaire, n’ayant apporté que deux bagages dans la plus grande sobriété qui soit, Monsieur a tout commandé en double sur Amazon. Ça ne va pas être compatible pour celle qui veut arrêter la course à la consommation. La vie à la campagne, ça va être aussi l’occasion de consommer ses propres produits. Vive les tomates cerises !… pour commencer.
Heureusement, il y a des voisins sympas, comme celui qui apprend à Monsieur à se servir d’une hache pour abattre un arbre. Mais attention, il faut lui parler, à l’arbre, avant de l’achever, à moins que ce ne soit lui qui achève Monsieur. « Connard d’arbre !! » « Abruti ». Bref, à la campagne, s’il est plus facile de supporter les voisins qu’en ville parce qu’ils sont plus loin, il faut aussi supporter le silence. Le bruit du klaxon, ça peut manquer à certains. Si, si, n’est-ce pas, Monsieur ? …comme peuvent aussi manquer les discussions au bureau autour de la machine à café, surtout les jours de pluie où à part regarder le déluge par la fenêtre il n’y a pas grand-chose à faire. Bénabar disait pourtant le contraire : « A la campagne, y’a toujours un truc à faire… » Ben, pas pour Monsieur manifestement.
Didier Tronchet dresse le portrait d’un couple de parisiens comme il y en a tant et qui pensent, ou qui ont cru juste après le covid, qu’ils pouvaient démarrer une nouvelle vie à la campagne. Mais n’est pas campagnard qui veut. Il semble que Monsieur l’ait compris avant même de quitter la ville. Alors que Madame tente tout pour passer le cap, Monsieur n’est décidé à faire aucun effort. Dans quel camp vont se ranger leurs enfants qu’ils ont mis en pension quand ils vont venir en week-end ? Comme à son habitude, Tronchet décortique le français moyen avec humour et tendresse. Les personnages n’ont pas de prénom pour que tout le monde puisse s’y reconnaître, ou reconnaître des gens que l’on côtoie, parce que certains ne veulent pas voir en face qu’ils sont eux-mêmes dépeints. La couverture est symptomatique. Madame brandit une carotte qu’elle a réussi à faire pousser elle-même, pendant que Monsieur fait un selfie avec son portable (fabriqué par un petit chinois exploité).
Tous à la campagne ! M’enfin, pas tout le monde en même temps quand même. Comme pour tout, il en faut pour tous les goûts. Tronchet le démontre dans cet album drôle, reflet d’un temps où le retour à la nature partage les opinions.
One shot : Tous à la campagne !
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : Didier Tronchet
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038205765
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €