Les cicatrices du passé
« -J’ai entraîné mes amis et mes proches dans ma chute. J’en ai très honte… J’ai eu beaucoup de revers et d’échecs dans ma vie. Je ne suis pas du tout un héros. Rien de remarquable… Allons déjeuner d’abord !
-Ah ! Déjà midi ! J’étais tellement absorbée par votre récit que je n’ai pas prêté attention à l’heure. Alors, je vous suis !
-Aucun problème. Je suis sur mes terres. »
Janvier 2018, Yu Pei-Yun interviewe Kunlin Tsai. Il lui a donné rendez-vous au bureau de planification pour l’ouverture du musée des Droits de l’Homme pour lesquels il est bénévole. Et dire qu’autrefois c’était une cour martiale et un endroit pour enfermer des prisonniers politiques. Avec son compatriote Chisheng Chen, Kunlin Tsai témoigne souvent des persécutions politiques dont ils ont été victimes. Kunlin Tsai s’attarde sur sa vie depuis le début des années 70. Après la faillite du magazine Prince en 1969, il fit une dépression, avant de se relever en réussissant le concours d’embauche de la plus haute entreprise taïwanaise de l’époque, une compagnie d’assurances-vie. Il devient formateur puis éditeur de manuels de formation. En 1975, il est chargé de superviser la création d’un musée d’art. Plus tard, il est chargé de la planification et de la création d’une maison d’édition spécialisée dans les encyclopédies.
Années 80, la mégalomanie de Tchang Kaï-chek emporte tout. Le dictateur se fait vénérer comme un dieu. Les chaînes de télévision sont aux ordres du Kuomintang. Ceux qui gênent le régime sont éliminés. Kunlin Tsai essaye de faire son travail comme il le peut. C’est en se faisant passer pour un employé de la compagnie de commerce de son frère qu’il réussira à partir au Japon pour rencontrer les éditeurs de l’encyclopédie dont il souhaite acquérir les droits d’édition. La publication à Taïwan sera un succès, avec cependant de l’auto-censure concernant le parti communiste chinois. Kunlin créera ensuite Nonnon, un mensuel féminin de référence. Années 90, il retourne sur l’île verte, devenu site touristique, où il fut si longtemps prisonnier, pendant dix ans. Ce retour va résonner comme une prise de conscience.
Yu Pei-Yun et Zhou Jian-Xin offrent une biographie émouvante d’un enfant du siècle passé. La scénariste a eu la chance de pouvoir rencontrer Kunlin Tsai, celui qui deviendra le héros de cette série. De son enfance à ses dernières années, en passant par ses années de détention en tant que prisonnier politique et ses métiers dans l’édition, la vie du Taïwanais montre les difficultés qu’ont pu vivre ceux qui, à cet endroit et en ces instants, n’aspiraient qu’à un peu de justice et de liberté. On y découvre comment les droits de l’homme étaient inexistants et on mesure le chemin parcouru par ce peuple qui a depuis fait un grand bond en avant. L’engagement de Kunlin Tsai est une voie toute tracée pour que ne reviennent pas des heures sombres.
« L’histoire des hommes ne peut être réduite à quelques lignes dans les manuels scolaires. », a fortiori quand ces histoires se passaient à l’autre bout du monde dans des pays où l’information était sclérosée et à une époque trouble. En quatre volumes, le Manhua Le fils de Taïwan est un témoignage bouleversant sur l’état d’un pays et de ses citoyens tout au long du XXème siècle. Pendant toute sa vie, les livres et la lecture ont été la source des problèmes et des succès de Kunlin Tsai. Que cette vie devienne aujourd’hui elle-même un livre est un symbole majeur pour la Liberté.
Série : Le fils de Taïwan
Tome : 4
Genre : Histoire
Scénario : Yu Pei-Yun
Dessins & Couleurs : Zhou Jian-Xin
Éditeur : Kana
Collection : Made in
ISBN : 9782505117469
Nombre de pages : 176
Prix : 18,50 €