Coloc, sextoys & dogmom
« -Ça t’arrive, des fois, de te demander, genre, pourquoi on est là ?
-Putain, non. Dieu m’a donné ce cerveau débile qui ne peut penser qu’à des trucs insignifiants… Des trucs comme : « Est-ce que je peux poster ce selfie ? », ou « Y a quoi à manger ce midi ? ». Dieu serait contrarié que je devienne philosophe, il a d’autres plans pour moi. Et, euh, nan merci !
-Du coup, tu crois que Dieu a prévu quoi pour toi ?
-Ben… que je sois une fille toute simple et sexy pour toujours. »
Elles sont quatre, elles sont colocataires, elles ont la vingtaine florissante. Elles croquent la vie à pleines dents et se sentent invincibles. Elles sont surtout sans filtre. Cheveux longs et frange blonde, Bunny passe sa vie en crop top, mini-short et bottes en cuir. Elle devise sur le canapé, téléphone en mains. Son mobile, d’ailleurs, c’est comme un membre supplémentaire. Si elle ne l’a pas, c’est comme si elle était amputée. Comme elle le dit, Dieu lui a donné un cerveau débile qui ne peut penser qu’à des trucs insignifiants. Simple et sexy pour toujours, c’est son credo. Elle laisse traîner des sextoys partout dans l’appart’. Brune aux yeux noirs, Nana est très exigeante avec les mecs. Elle cherche quelqu’un de marrant avec les mêmes centres d’intérêt qu’elle. Elle est attirée sexuellement par les clowns depuis qu’à 9 ans il y en a un qui est venu pour son anniv’. Elle est rentrée dans la salle de bain pendant qu’il pissait et il lui a offert un ballon en forme d’animal. Mais elle peur que si elle en rencontre un elle les déteste tout autant que sa sœur infirmière exècre les médecins. Les deux autres colocataires sont Sadie et Tallulah, toutes deux cheveux courts, roses pour la première, noire pour la seconde. Elles sont ensemble. Sadie veut devenir écrivain, elle est assez bordélique. Ça contraste avec l’esthétique casual, cool, bobo chic et minimaliste de Tallulah. Elle est créatrice de contenu sur les réseaux sociaux. Et puis il y a aussi Britney le chien, qui permet à Bunny de faire la dogmom.
Quand les filles vont en bal de promo pour adultes, Sadie va choisir un costard cravate façon mec, Tallulah opte pour une belle robe, des fleurs dans les cheveux et des ailes de fée, Nana a une belle tenue type Pierrot, et Bunny, elle, va choisir une combinaison latex bondage. Déçue de la bande de millennials dépressifs en pleine régression qui remplissent la salle, elle a bien l’intention de réchauffer l’ambiance.
Quand les filles décident une opération déconnexion en pleine nature, Nana va rapidement être au bout de sa vie. C’est pourtant elle qui en a eu l’idée en matant des tutos sur comment camper et dépasser son addiction à internet. Elle va enchaîner les avanies : boutons de stress, lentille de contact perdue donc lunettes moches, et puis des beaux mecs qui débarquent pour bivouaquer alors qu’elle est dans cet état. Tout pour faire un testament…
Après une bonne dose de gags sur leurs vies quotidiennes, on va retrouver les filles dans une longue histoire : Le démon de Tallulah. Sur sa chaîne YouTube, la jolie brune annonce s’éloigner de son contenu habituel en s’intéressant exclusivement à tout ce qui est flippant et surnaturel. Mais alors qu’elle pensait faire une vidéo qu’elle monterait (heureusement parce qu’avec Nana qui vient pour demander du lubrifiant, faudra couper au montage), elle était en fait en live et oublie de couper le réseau en quittant la pièce. C’est là que ses followers aperçoivent un truc qui bouge dans le coin de la pièce. Oh, my god ! Très grand, les pieds nus et grisâtres, mais qui est donc cet homme mystère ? La maison serait-elle hantée ? On va faire venir une médium.
Dessinatrice d’origine portoricaine, Benji Nate raconte la vie de ces vingtenaires on ne peut plus décomplexées. Dans un graphisme simple et rapide, elle montre les travers d’une société qui ouvre les portes d’une soi-disant liberté, mais qui n’a pas toutes les armes pour protéger les jeunes, en particulier des réseaux. La deuxième partie de l’album est bien plus intéressante que la première, cependant nécessaire pour bien présenter les personnages. C’est pas Sex in the city, c’est Sex in the comics. C’est trash, c’est parfois vulgaire, c’est drôle, c’est la vie.
One shot : Girl Juice
Genre : Chronique moderne
Scénario, Dessins & Couleurs : Benji Nate
Traduction : Laure Picard-Philippon
Éditeur : Marabulles
ISBN : 9782501163453
Nombre de pages : 192
Prix : 19,90 €