Sportifs, beaufs, Duduche & Compagnie
« -Mon premier fils est un basketteur prodige acheté par Nike… Mon deuxième fils, je l’ai vendu à Reebok… Ma troisième, surdouée du tennis, vendue à Adidas… Ma quatrième, une lolita virtuose du golf, sponsorisée par Coca-Cola… Mais attention, je ne suis pas un négrier : jamais ils ne joueront avec des balles et des ballons fabriqués par des enfants du tiers-monde ! »
« Dessiner les sportifs, c’était le seul sport de Cabu. Et quel sport ! » Ainsi commence la préface de Véronique Cabut, épouse de l’auteur disparu. Quatre-cent-trente dessins décapants sont réunis dans cet ouvrage. Dopage, triche, supporters insupportables, tous les sports en prennent pour leur grade. Et le pire, c’est qu’avec son sourire, on lui excuse tout à Cabu. Côté sport, il a entre autres dessiné pour L’Equipe Magazine de 1982 à 1986. Le livre s’ouvre avec une photo de l’auteur, un feutre et un ballon de foot en mains, sur lequel il a dessiné un militaire scandant : Le foot, c’est la guerre !
On commence avec un abécédaire : Petits joueurs de A à Z. On a A comme Arbitre, soit aux chiottes, soit dans un plumard avec nanas et champagne parce qu’il est acheté. C comme Corrida démontre que cette barbarie est porno : une corne dans le derrière, ou la « queue » et les oreilles du torero découpés. F comme foot, c’est l’opium du peuple pour les politicards, et l’activité qui fait marcher l’hémisphère droit du cerveau, celui qui ne marche jamais à l’école, pour le professeur Henri Laborit. J comme JO fait place à un Cabu visionnaire avec des dessins qui sont encore au goût du jour pour Paris 2024. « Salauds de grévistes qui vont nous priver des J.O. » L’enchaînement est parfait avec P comme Pain et jeux : Cannes, les riches regardent les pauvres, Mondial, les pauvres regardent les riches.
Dans la deuxième partie du livre, « Dispensé de gym », Bernard Fournier, ami du dessinateur, raconte l’étonnante carrière sportive de Cabu. On ne peut pas dire que son prof de sport au lycée de Châlons-sur-Marne dans les années 50 lui ait laissé un bon souvenir, pas plus que les matchs de foot entre copains à la récré. Plus tard, il participera à des canulars lors d’une course à pieds et d’un rallye automobile. Lorsqu’on lui demandera dans les années 80 de dessiner pour un hebdomadaire sportif, il sera le premier surpris et finira par accepter.
Nouvel abécédaire pour continuer, avec celui des têtes de vainqueurs. A comme Armstrong : le multiple vainqueur avant destitution du Tour de France lit avec circonspection « Le tour de France de deux enfants » – « Pas possible… Ils étaient dopés ! » D comme Drut : Chirac sur le dos, le ministre-sportif est amnistié pour services rendus à la nation. D encore comme Duduche : contre toute attente, le lycéen recevra le baiser de la fille du proviseur à l’arrivée du cross auquel il ne souhaitait pas participer. V comme Virenque : le cycliste perclus de seringues grimpe en danseuse avec une force de taureau, sous les vivas de la foule même quand il n’est pas là – « Virenque, même absent, t’es le meilleur ! » « Chirac, c’est pareil ! ».
On termine par un quiz permettant de savoir si on a bien tout retenu, avec une petite récompense motivante. Si vous avez tout bon, le Grand Duduche vous signe une dispense de gym. Si vous avez tout faux, aussi.
Si vous vous attendiez à un livre sur l’éloge du sport, ce n’est pas celui-ci qu’il fallait ouvrir. Il va pourtant vous en faire faire du sport, le sport des zygomatiques, tout autant au détriment des sportifs que de ceux qui les regardent. C’est avec des bouquins comme ça que l’on se rend compte à quel point Cabu nous manque.
One shot : Cabu Vive le sport !
Genre : Dictionnaire des champions toutes catégories
Textes & Dessins : Cabu
Éditeur : Michel Lafon
ISBN : 9782749955452
Nombre de pages : 192
Prix : 24,95 €