Une correspondance inestimable
« L’art est la visée de ma vie, et ma seule valeur vient de mes efforts à tendre vers lui. » Paul Cuvelier à Ta Huynh-Yen, janvier 1957
Il a participé à la création du journal Tintin. Il a créé l’un des personnages emblématiques de la bande dessinée : Corentin. Il est mort jeune, à 54 ans. Hergé l’admirait. Il est aujourd’hui oublié des profanes de la BD. Il était temps de le remettre en lumière. Par le biais d’une correspondance, ce livre réhabilite un auteur d’exception : Paul Cuvelier.
On connaissait Philippe Goddin comme étant l’un des plus grands exégètes d’Hergé, auteur de la biographie la plus complète de l’artiste. Ce que l’on savait moins, c’est qu’avant de s’intéresser au créateur de Tintin, c’est un autre auteur, Paul Cuvelier, qui suscitait son principal intérêt. C’est d’ailleurs à Paul qu’il doit une partie de cet attrait pour Hergé, ce dernier étant subjugué par le talent du créateur de Corentin. Le respect de chacun de ces dessinateurs envers l’autre était réciproque.
Goddin rencontre Cuvelier en 1973, alors qu’il quittait la bande dessinée pour d’autres formes d’art. En 1978, Cuvelier décède. Goddin publie deux livres sur lui et organise des expositions. Pendant cette période, il pourra compter sur le soutien de Ta Huynh-Yen, vietnamienne, grand amour de Paul. C’est elle qui lui confiera les lettres que Paul lui écrivit pendant trente ans, une somme de six cents feuillets manuscrits. C’est une sélection de ces lettres qui sont reproduites ici, grâce aux filles de Huynh-Yen.
Après un prologue constitué de courriers entre Hergé et Paul Cuvelier, dont l’étonnante découverte que Cuvelier publia ses premiers dessins dès l’âge de six ans et demi dans le Petit Vingtième, c’est parti pour une histoire d’amour, une grande histoire d’amour… comme dans les films… non, comme dans les bandes dessinées. En été 1949, Huynh-Yen a dix-huit ans. Ça fait deux ans que ses parents l’ont envoyée en France pour fuir la guerre d’Indochine. A présent, elle est en Belgique pour proposer une conférence sur son pays. Paul, vingt-cinq ans, est dans le public. A l’issue, ils se rencontrent. Elle lui propose une analyse graphologique. Il la relancera par courrier pour plus d’approfondissement. Ils se reverront. A partir de ce moment-là, il lui écrit au moins deux fois par semaine, certains jours plusieurs fois. « Ma maison, mon pays, c’est là où vous êtes. Tout, loin de vous, est déparé et dépourvu d’attraits. » La correspondance montre un Paul Cuvelier fou d’amour. La quasi absence de lettres de l’aimée donne une dimension encore plus forte aux échanges. L’auteur révèle des qualités littéraires insoupçonnées. D’espoirs déçus en résurrection d’amour, de secrets en révélations, on découvre un artiste à la plume aussi fine que le crayon.
L’histoire d’amour passionnée entre Paul Cuvelier et Ta Huynh-Yen n’aura pas été sans conséquence sur l’œuvre de l’auteur. Muse et tourment, la vietnamienne n’aura pas ménagé le dessinateur. Les aventures de Corentin, Flamme d’Argent, Line, Wapi et Epoxy transpirent de leur relation tourmentée. Grâce à un travail d’orfèvre sur une correspondance d’une richesse incommensurable, Philippe Goddin et Martine Mergeay mettent en lumière un auteur majeur du Neuvième Art dont on parle trop peu.
One shot : Le mystère Paul Cuvelier
Genre : Correspondances commentées
Auteur : Philippe Goddin, avec la collaboration de Martine Mergeay
Éditeur : Les impressions nouvelles
ISBN : 9782390700746
Nombre de pages : 616
Prix : 29 €