Une relecture du Temple du Soleil
« Le Temple du Soleil, classique du genre, est une œuvre indémodable qui, sous couleur d’exotisme (et quel !), nous parle également d’altérité (la magie noire des Incas n’est pas précisément voisine de nos catégories mentales !). Outre les us et coutumes des autochtones du Pérou, les héros, dépêchés par l’auteur, se heurtent à la vision du monde d’un peuple qui, en dépit de la colonisation dont il fut victime, résiste toujours à l’Occident et ses prétentions. (…) Dramatique à souhait, cette fable, qui sait être drôle, tire brillamment profit du mythe de l’Eldorado. » Pierre Fresnault-Deruelle
Après Hergé ou Le retour de l’Indien, une relecture des 7 boules de cristal, Pierre Fresnault-Deruelle s’attaque à sa suite avec Hergé et les Incas ou La malédiction déjouée, relecture du temple du Soleil. L’auteur nous invite à une analyse fine de la deuxième partie de ce diptyque plus que mythique, ayant grandement contribué à élever la bibliographie d’Hergé au rang d’œuvre d’art.
Le précis commence par une analyse de la couverture, de la page de titre et du strip d’ouverture. Le premier plat indique clairement les lieux. Nous sommes au Pérou. La page de titre impose un motif de frontispice inca, symbolisant la force d’un peuple rayonnant. Première planche, avant de commencer la lecture, un personnage de frise impose une culture sud-américaine à laquelle Tintin et ses compagnons d’aventure vont devoir se plier. Subrepticement, avant de démarrer, et porté par l’énigme de la première partie du récit, Hergé invite au mystère. Le livre de Fresnault-Deruelle est ensuite composée de quatre parties. Les trois premières sont exclusivement consacrées à l’album concerné, la quatrième s’étend sur le travail d’Hergé depuis L’oreille cassée jusqu’au Temple.
Commençons en pays Quechua, avec dès le départ, le running gag du lama que l’on ne présente plus. Tintin et Haddock découvrent Lima. Pierre Fresnault-Deruelle détaille leurs actions et justifie les angles de vue des cases dessinées par Hergé. On va s’attarder sur une scène emblématique, celle dans laquelle Tintin grimpe sur le Pachacamac par la chaîne de l’ancre. En illustration, une image signée Jules Férat pour L’île mystérieuse de Jules Verne, parue en 1875, montre la même scène. Mutatis Mutandis. Ce ne sera pas la seule allusion à Verne. Un autre instant de décrochage de train est similaire dans Le tour du monde en quatre-vingts jours. Planche après planche, page après page de ce livre, l’auteur nous invite à faire partie de l’expédition menée par Tintin.
Dans La longue marche, deuxième chapitre, on va s’attarder sur la traversée des Andes, sur vingt-cinq planches, avant de pénétrer dans la forteresse des Incas. Hergé met en exergue toute la documentation qui lui a servi pour construire ce récit que ce soit au niveau des paysages, des rues, des us et coutumes locaux. Nouvel instant mythique, l’enlèvement de Milou par un condor avait déjà été présenté en une du Petit Journal en 1906 avec le rapt d’un enfant par l’un de ces oiseaux, lui-même repris encore une fois de Jules Verne, cette fois dans Les enfants du Capitaine Grant. Alain Saint-Ogan servit aussi de modèle à Hergé, grâce à quelques scènes de Zig et Puce que ce dernier a retravaillé et s’est approprié. Le troisième chapitre est l’approche du temple, dans lequel on va pénétrer dans la civilisation péruvienne, à la manière dont l’a fait Jacobs dans Le rayon U et dans plusieurs des aventures de Blake et Mortimer. On y revient également sur la fameuse ruse de l’éclipse avant de terminer sur le trésor des Incas.
La quatrième et dernière partie, Varia, présente un recueil d’œuvres variés. Pierre Fresnault-Deruelle remonte à L’oreille cassée, autre histoire en Amérique du Sud et fait un parallèle entre les Arumbayas et les Incas. Comme un chapitre bonus, l’auteur place quelques informations, analyses, constations et comparaisons n’ayant pas trouvé leur place dans les pages précédentes.
Il est toujours incroyable de découvrir comment des auteurs peuvent encore effectuer des analyses jusqu’ici inédites. Pierre Fresnault-Deruelle encore une fois passionne dans cette analyse à lire en parallèle avec l’album ouvert sur sa table. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Hergé et les Incas ou La malédiction déjouée
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9782494744035
Nombre de pages : 176
Prix : 18 €