Histoire d’une utopie culturelle collective
« -On se fait un ciné ?
-Oh la barbe ! J’en ai fait trois fois cette semaine.
-Il y a un concert à la Sirène.
-Paye ta place.
-La flemme de faire deux heures trente de bagnole aller-retour.
-Vous faites chier ! Au lieu de râler, on a qu’à en faire nous des événements. C’est bien beau de refaire le monde en paroles. Si ce n’est pas suivi d’actes, ça ne sert à rien ! »
Accéder à la culture en milieu rural, ce n’est pas ce qui est le plus commode. En Charentes, un groupe d’amis décide de monter une structure associative pour pallier à cette difficulté. Les compagnons ont d’abord monté une association demandant aux mairies de leur prêter des salles en échange d’organisation d’événements culturels. Le fonctionnement a rapidement montré ses limites. Quelques temps plus tard, ils parviennent à se faire prêter l’ancien local des pompiers par la ville de Marennes. Il va falloir remonter ses manches et le retaper. C’est ainsi que naît en 2010 le concept de La Bigaille, bar autogéré par des bénévoles, lieu de soirées festives, de spectacles et de concerts pour toutes les générations.
Thibaut Lambert recueille le témoignage de nombreux participants pour raconter à travers eux l’histoire de La Bigaille. Aujourd’hui, l’association « La Grande Echelle », forte de 433 adhérents, gère les lieux, avec une organisation en gouvernance associative sans hiérarchie, chaque membre du bureau décisionnaire ne pouvant pas y rester plus de trois ans. Chaque adhérent est ainsi acteur du lieu. Sans négliger l’aspect économique, qui permet entre autres de payer les artistes, le but premier n’est pas de faire des bénéfices. Bien sûr, la vie d’une telle structure n’est pas un long fleuve tranquille. Le livre le montre bien. Les membres sont tuteurs les uns des autres. Il y a un fort concept de transmission. Cette BD reportage explique avec précision toute l’histoire du lieu, de sa genèse à son avenir, qui ne dépend que de la relève.
Mais d’où vient ce mot « bigaille » ? A l’origine, une bigaille est un terme générique désignant un petit insecte volant comme une mouche ou un moustique. En argot, c’est du menu fretin, de la petite monnaie. Les charentais ont mixé ces deux définitions. Ils s’agitent comme des insectes, comme les moustiques qu’ils ont dans la région, pour faire vivre leur lieu. Le côté petite monnaie et quincaillerie symbolise le côté artisanal qu’il est nécessaire de préserver.
En quelques albums, Thibaut Lambert est devenu l’un des piliers des éditions Des ronds dans l’O. Du tendre et drôle L’amour n’a pas d’âge à l’exceptionnel Si je reviens un jour…, les lettres retrouvées de Louise Pikovsky, déportée à Auschwitz, sa bibliographie est aussi éclectique que sensible. Le mot « ensemble » pourrait en servir de titre. La Bigaille y a sa place de choix.
One shot : La Bigaille
Genre : Reportage
Scénario & Dessins : Thibaut Lambert
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181264
Nombre de pages : 124
Prix : 21 €