Quand ça commence alors que tout semble fini
« -Entrez donc, chère Madame ! Asseyez-vous, je vous en prie !
-Je vous remercie de me recevoir.
-Je vous ai écrit tout de suite tant votre initiative m’a plu. Que voulez-vous de moi ?
-Pour notre collection « Le livre français en Alsace », nous demandons à de grands noms d’écrire le portrait des grands hommes qui les ont inspirés. Cette collection est à destination de la jeunesse. Voudriez-vous y contribuer ? »
Marguerite Baldensperger est directrice de collection dans une maison d’édition. Si en cette année 1923 elle vient rencontrer le vieux Tigre Georges Clémenceau, c’est pour lui proposer d’écrire un livre à destination des adolescents. Il peut choisir le sujet qu’il souhaite : Lincoln, Wilson, Foch, ou pourquoi pas la « Grande Guerre ». Cela, surtout pas ! L’ancien Président du Conseil s’est promis de ne jamais parler de guerre : « Nous verrons bien après ma mort si vous le voulez bien… », dit-il à Marguerite. Il choisira d’écrire une biographie du philosophe grec Démosthène. Entre le vieil homme de 82 ans et la jeune mère de famille de 40, une relation platonique va s’installer. Six ans de rencontres et de correspondance épistolaire vont bouleverser la vie de l’un comme de l’autre.
Ils n’avaient rien pour avoir des affinités. L’une, femme à la vie rangée, l’autre, vieil ours solitaire. Elle a la vie devant elle, il a la sienne derrière lui. Et pourtant, ils ne vont quasiment plus se quitter, si ce n’est physiquement, du moins par lettres interposées. Si elle va traverser les souvenirs politiques et guerriers de vieux moustachu, il va l’aider à apprivoiser, autant que faire se peut, un deuil insurmontable, celui d’un enfant, celui dont on ne se remet jamais et dont on ne veut surtout pas se remettre. Le père-la Victoire lui déclare : « Je vous aiderai à vivre et vous m’aiderez à Mourir. Tel est notre pacte. ». Au fil du temps, elle découvre un homme attentif, courtois, tendre, mais aussi parfois colérique ou chafouin.
Par l’angle de cette relation, Benoît Mély revisite l’Histoire de France et de l’Europe de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Né en 1841, le vendéen Georges Clémenceau a été Maire du dix-huitième arrondissement de Paris pendant la Commune, député, sénateur, Ministre de l’Intérieur et Président du Conseil. Radical de gauche, dreyffusard, ami et contemporain de Hugo, Zola, Monet, Rodin, Sarah Berrnhardt et Louise Michel, le créateur des Brigades du Tigre fut l’un des principaux conseils du Président Raymond Poincaré pendant la Première Guerre Mondiale. Il restera politiquement indépendant. Épouse d’un professeur de littérature de la Sorbonne, Marguerite Baldensperger aura gardé les 668 lettres écrites par Clémenceau. Son fils Pierre éditera ces « Lettres à une amie » en 1970. Benoît Mély, responsable des affiches et bandes annonces chez Gaumont, signe son premier album dans un graphisme légèrement charbonneux et des tons bleu-brun doux. Il laisse ses personnages exprimer leurs sentiments dans un respect mutuel. Le scénario est fluide, précis mais jamais didactique.
Quand un Tigre ayant combattu toute sa vie rencontre une Rose blessée, ça donne un biopic émouvant. Ce crépuscule est l’aube de la carrière d’un auteur prometteur.
One shot : Clémenceau Le crépuscule du Tigre
Genre : Biopic
Scénario, Dessins & Couleurs : Benoît Mély
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181356
Nombre de pages : 128
Prix : 23 €