Mission : impossible ?
« -Alors, la recette a été bonne ce soir, Monsieur Meyer ?
-Ne vous inquiétez pas, Conrad, nous ne vous voulons aucun mal. C’est ce que dit toujours la Stasi, aussi.
-Mais nous sommes ici à l’ouest. Vous ne risquez rien. Nous souhaiterions vous faire une proposition. »
Années 60. Ils sont quatre. Ils sont allemands. Ce sont des as pour passer aisément de Berlin-Est à Berlin-Ouest, chacun dans leur style. Pro du déguisement, Hanna se grime en moustachu ou en mamie innocente. Bellâtre aux multiples conquêtes, Ludwig impressionne ses chéries en leur offrant la liberté. Plus cupides, Conrad et Julius se font payer, le premier en vendant des marchandises d’un côté à l’autre, le second en cachant des candidats au soleil dans le double fond de la banquette de sa voiture. Ces Arsène Lupin de l’évasion sont recrutés par deux agents afin d’organiser la plus grande évasion de ressortissants de RDA vers la liberté. Ils ont carte blanche sur l’organisation, sauf pour la date. Ça devra avoir lieu le 13 août, pour l’anniversaire de l’édification du mur.
Une dose de Mission : impossible, une pincée de La Casa de papel, une louche de La grande évasion, une cuillerée de Ocean’s eleven, De l’autre côté du mur entre dans la grande catégorie des histoires chorales, tradition du cinéma à grand spectacle. Kid Toussaint est décidément aussi doué dans les séries au long cours que dans les one shot, dans les récits intimistes que dans l’action. Il profite ici d’un contexte historique précis pour revenir sur un morceau de l’Histoire de la deuxième partie du XXème siècle. Le mur de Berlin, construit en une nuit, du 12 au 13 août 1961, séparera pendant vingt-huit ans la capitale européenne, avec d’un côté une demie-ville qui se modernise, vit et évolue avec son époque, de l’autre une demie-ville qui végète, coincée dans un passé figé.
On retrouve au dessin le complice de Kid Toussaint sur Ennemis. Le dessinateur de la région lyonnaise Tristan Josse met en scène cette comédie dramatique, non dénuée d’humour, mais aussi implacable. Son trait semi-réaliste est hyper dynamique. Comme Etienne Willem, il modernise la ligne populaire issue du journal Spirou en accentuant les mouvements, en dynamitant parfois le découpage. Voir une scène finale en étoile sur une double page ahurissante. Tristan Josse n’a plus qu’à attendre la série ou le one shot qui fera parler de lui. Et si c’était celui-ci ?
De l’autre côté du mur est de ces récits haletants dans lesquels il n’y a pas une seule case de longueur. Evidemment, tout ne se passera pas comme prévu. On est ici dans le genre d’histoires qui laissent le goût d’un bon, d’un très bon moment de lecture, et sur lesquelles on prendra toujours plaisir à revenir en se disant : « Ha, oui, je me rappelle du moment où… ». Efficace, malin et puissant.
One shot : De l’autre côté du mur
Genre : Thriller historique
Scénario : Kid Toussaint
Dessins : Tristan Josse
Couleurs : Greg Lofé
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand angle
ISBN : 9782818989081
Nombre de pages : 64
Prix : 16,90 €