Etude comparée des trois versions d’un album
« Je ne sais pas si je suis classique ni même si je le serai (…) mais j’ai l’impression que tout évolue et que la bande dessinée, comme le reste, va évoluer vers d’autres formes. Par conséquent, je risque de passer de mode. Il y a probablement une bande dessinée « classique », et puis d’autres qui ne laisseront pas de traces, comme pour la littérature et la peinture. On trouve toujours une sorte d’académisme et puis arrivent des novateurs qui remettent tout en question et deviennent à leur tour classiques. C’est la chaîne sans fin. »
Lorsque Hergé déclare en 1975 à un journaliste du figaro qu’il ne sait pas s’il est ou sera classique, il ne se doute pas que quarante ans après sa disparition, il fera figure de classique parmi les classiques de la bande dessinée. Les classiques ne sont pas des livres que l’on lit, mais des livres que l’on relit. Septième aventure de Tintin, L’île noire a ceci de particulier qu’elle a connu trois versions différentes : la première en 1938 en noir et blanc parue dans Le petit Vingtième, la deuxième en 1943 en version quadrichromique, puis une troisième en 1966, modernisée et remaniée à la demande d’un éditeur anglais. Ces trois versions de l’aventure offrent à Ludwig Schuurman matière à rédiger une thèse de doctorat prétexte à parcourir l’intégralité de l’œuvre. C’est cette thèse, soutenue en 2009, qui est ici présentée avec une actualisation et des compléments.
L’auteur ne se contente pas d’un catalogue d’analogies et de comparaisons des trois versions. Il s’attaque à la genèse de l’œuvre, à la recherche de ses sources et de ses influences. La première partie de ce livre est donc consacrée à l’analyse du contexte socioculturel et politique des années 30. La deuxième est centrée sur la transformation en couleurs et avec une nouvelle pagination. On y verra comment Hergé a géré cette métamorphose lui permettant de perfectionner son album. La troisième partie justifie la création de la troisième version d’une même œuvre. Outre le travail de modernisation des véhicules que l’on retient au premier coup d’œil, l’auteur de la thèse s’attarde sur les évolutions graphiques et le cadrage, et la disparition de quelques belgicismes. Dans une quatrième partie, Ludwig Schuurman démontre comment l’histoire s’est dédramatisée au fil des versions, voire même édulcorée.
En parcourant ces « Iles noires d’Hergé », il est ahurissant de constater que l’on peut lire un pavé de plus de cinq cents pages sur une histoire que l’on connaît tellement bien sans que l’on ne s’ennuie une seule page. C’est peut-être parce qu’elle fait partie de l’âme d’enfant que chaque lecteur de Tintin a au fond de lui. On pourrait penser que sans les « guest stars » que seront plus tard Haddock et Tournesol l’album serait plus ou moins relégué dans les bas-fonds de la série. Pas du tout. Est-ce à cause du décor ? Est-ce à grâce à son côté thriller ? Il y a quelque chose de magique dans cette histoire, encore plus que dans les autres aventures.
Ce livre donne envie de réouvrir à nouveau L’île noire, l’un des albums les plus mythiques du Neuvième Art.Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Les îles noires d’Hergé
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Ludwig Schuurman
Éditeur : Georg
ISBN : 9782825712399
Nombre de pages : 550
Prix : 19 €