Dans le quotidien d’un auteur de BD
« -Salut William, c’est Antonin. Je ne te dérange pas ?
-Jamais, cher ami éditeur !
-On veut lancer une nouvelle série grand public et en faire un carton à 100 %. L’idée, c’est de faire un truc passe-partout, consensuel, bien lisse, le truc qui n’effraie pas la ménagère, tu vois…
-Mmh mmh…
-Pour capter le lectorat, on cherche au niveau du langage quelque chose de facile à capter, à la porter du plus grand nombre… Bref, une écriture plutôt médiocre, sans prétention, qui rassure le lecteur… Un truc pas terrible, quoi…
-Oui, et donc ?
-Ben, j’ai pensé à toi. »
William, 31 ans, est scénariste de bande dessinée. Chemise blanche et gilet noir, cravate rouge et pantalon à pinces, pipe au bec et lunettes sur le nez, l’homme affiche un look BCBG et semble plus âgé que ses artères. Faut dire qu’il est old school, le William, pas du genre à faire de l’heroïc-fantasy. Bien sûr, le sujet l’a intéressé, mais jusqu’à ses trente ans uniquement. Maintenant, il a mûri. Que serait un scénariste sans dessinateur ? Rien évidemment, les deux professions sont complémentaires. La rencontre et l’alchimie sont primordiales. Un auteur puise également son inspiration dans sa propre vie. Bien évidemment, il devra savoir disgresser. Par ailleurs, un scénariste n’a pas peur de travailler sur douze séries en même temps… même s’il avoue parfois bâcler son travail. Aussi, il devra apprendre à gérer l’enfer de la surproduction, enfin, celle des autres.
William, scénariste, est la nouvelle victime de James, l’un des humoristes les plus fins du moment. Sous couvert d’un reportage télévisé, James invite William à raconter sa vie, son œuvre avec pragmatisme et objectivité. L’album alterne divers types de planches. Il y a celles, les plus nombreuses, consacrées au reportage lui-même, les strips « off the record » et les figures sur le quotidien de l’artiste. Puis James diversifie ses graphismes pour aborder d’autres angles. On trouve du western réaliste avec The Lone Writer qui parodie façon Far West le travail du scénariste. Façon cartoon, on découvre les trucs et astuce de la profession, avec notamment une démonstration argumentée du cycle de la création. Enfin, hommage à Schultz et aux Peanuts, les strips de Lil’Will, graine de scénariste, reviennent sur l’enfance d’un auteur en devenir.
James se moque gentiment de ses congénères et de lui-même. On ne parle le mieux que de ce que l’on fait soi-même. On peut alors se demander qu’est-ce qui relève du réel ou de l’imaginaire. Pas si évident que ça de faire le tri. Faire de l’héroïne une sublime fille sexy, c’est évidemment toujours dans l’intérêt du scénario. Les autobiographies ne dérivent jamais ô grand jamais vers les autofictions. On ne met jamais une croix gammée en couverture d’un album pour en augmenter les ventes. Non, non !
Pendant des années, les scénaristes de BD étaient déconsidérés, voire même ignorés, effacés. Les temps ont heureusement changé. Y’a qu’à voir, aujourd’hui, James leur consacre même un livre. On verra bien s’ils ont de l’humour sur eux-mêmes !
One shot : William, 31 ans, scénariste
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : James
Éditeur : Delcourt
Collection : Pataquès
ISBN : 9782413047087
Nombre de pages : 72
Prix : 15,95 €