Dans les yeux de Mona Lisa
« -Venez !
-Qui êtes-vous ? Qu’est-ce qui se passe ? Mais je vous reconnais ! Vous êtes Geneviève, de la billetterie ?
-Non, je suis Ginevra, la sœur de Lisa Gherardini, épouse de Francesco di Giocondo.
-Lisa Gherardini ? Mais c’est la Joconde, non ?
-Ma sœur n’est pas la Joconde. Elle est juste le modèle de départ, juste une bourgeoise florentine dont l’époux voulait le portrait. »
Patrick est gardien au Musée du Louvre. Il a une collègue de boulot qu’il ne supporte plus, mais alors plus du tout. Ce n’est Geneviève de la billetterie, bien qu’elle oublie régulièrement de prévenir les visiteurs les jours où ça ferme à 18 h. Non, ça, c’est casse-pieds mais ce n’est pas si grave. Celle qu’il ne peut plus encadrer, c’est Mona Lisa, la Joconde. Pour lui, elle n’est rien moins que – je cite – une petite conne prétentieuse. Pourtant, un jour, elle va l’appeler. Patrick va pénétrer dans le tableau, comme par magie. Il va rencontrer le grand, l’immense, l’unique Léonard de Vinci. Peut-être même comprendra-t-il l’Art du Maître ?
La scénariste Théa Rojzman a appréhendé de nombreuses formes d’Arts. Elle a peint, écrit, joué au théâtre et fait de la musique. Elle est aussi poète puisqu’elle a publié en 2003 un recueil de poésie. C’est peut-être pour cela que ce « Voyageur » est un poème sur l’Art. Rojzman démontre que derrière chaque œuvre, et à fortiori la Joconde, le tableau le plus célèbre du monde, il y a une histoire et une intention. Qui de mieux que Léonard de Vinci lui-même pouvait l’expliquer à Patrick en particulier et aux lecteurs en général ? L’immersion ne pouvait pas être plus grande. Rojzman prouve que l’Art est salvateur puisqu’en le comprenant Patrick va voir sa vie qu’il déteste prendre une nouvelle direction. Le seul reproche que l’on pourrait faire à l’histoire, même si c’est justifié, c’est le nombre de gros mots qu’assène Patrick en début d’album. On pourrait le penser atteint du syndrome de Gilles de la Tourette. Cela accentue son état d’esprit mais il n’était pas nécessaire d’en faire tant.
Qui de mieux qu’un voyageur pour dessiner le récit d’un voyageur ? Celui qui parcourt le monde avec ses carnets de croquis, un aquarelliste des cases, était fait pour mettre cette histoire en images. Joël Alessandra est au rendez-vous. Le dessinateur n’allait bien évidemment pas accepter un huis-clos dans les couloirs du Louvre, bien que sa Victoire de Samothrace soit hallucinante (un véritable uppercut quand on la découvre en tournant une page). S’il a relevé le défi, c’est pour nous embarquer en Toscane, au XVIème. Une campagne, des monuments,… Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi les rues de Paris. Il nous invite à regarder le décor derrière La Joconde, ce que très peu de visiteurs font. Et que dire de la leçon du génie sur le sfumato ? Et pour ceux qui en douterait encore, le talent d’Alessandra est prouvé dans un cahier graphique en fin d’album dans lequel prend place, entre autres, sa Mona.
Après Les petits voyageurs de l’art récemment paru chez Kennes, Le voyageur est un nouvel album dans lequel un personnage pénètre dans le fameux tableau. Les deux titres s’adressent à des publics différents et se complètent parfaitement. Ce voyageur aurait très bien pu être publié dans la somptueuse collection Louvre Futuropolis. Il sort chez Daniel Maghen, mais on pourra le ranger entre Un enchantement de Christian Durieux et Les gardiens du Louvre de Jiro Taniguchi.
One shot : Le voyageur
Genre : Art
Scénario : Théa Rojzman
Dessins & Couleurs : Joël Alessandra
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741431
Nombre de pages : 150
Prix : 22 €