Une série de grande classe
« -Nana Sahib, nous partirons tous les trois cette nuit.
-Je l’avais compris, Aro Satoe.
-Tu te chargeras de réunir tout ce qu’il nous faudra pour subsister dans l’île.
-Dans l’île ? Dans cette forêt ? Dans ces montagnes ? C’est de la folie, Aro Satoe!
-Ah ! Dites-le lui, Nana Sahib ! »
Juillet 1934, réfugié dans une île au large de Singapour, Théodore Poussin découvre que l’équipage de l’Amok est aux mains des anglais. Ses hommes ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de gagner Sumatra, dans les Indes néerlandaises. A présent, les anglais risquent de débarquer pour mettre la main sur lui. Avec Aro Satoe et Nana Sahib, ils doivent fuir. Leur seule échappatoire possible est de gagner les terres intérieures de l’île. Entre une nature hostile, des tribus guerrières et des soldats britanniques à leurs trousses, il ne suffira pas de vivre, mais de survivre.
Qu’il semble loin le petitcomptable de Dunkerque tiré à quatre épingles et bien propre sur lui. Aujourd’hui, Théodore Poussin n’a plus de scrupules. Il garde sa dignité mais n’hésite pas à mettre tout en œuvre pour arriver à ses fins, préférant parfois que ce soit les autres qui se salissent les mains à sa place. Toute son évolution ne se fait pas à n’importe quel prix. Alors qu’il est amoureux d’Aro Saoe qui serait enceinte de lui, l’ombre de Chouchou en plein idylle avec un célèbre acteur plane sur lui. Poussin est encombré par les fantômes de son passé, grâce à qui on en apprend beaucoup sur son enfance, sur ses parents surtout. Dans ces fantômes, on retrouve Crabb bien sûr, mais évidemment, encore et toujours Novembre, sur lequel Le Gall laisse planer de nombreux doutes. Novembre est l’un des personnages les plus fascinants de la bande dessinée franco-belge toutes séries confondues.
A chaque fois que Frank Le Gall retrouve Théodore Poussin, on sent entre eux deux la même fusion qu’entre Hergé et Tintin ou Flaubert et Madame Bovary. Théodore Poussin, c’est la rencontre entre Jack London et Lewis Milestone, l’auteur de Fils du soleil et le réalisateur des Révoltés du Bounty et de L’inconnu de Las Vegas, ou bien entre Herman Melville et Bruce Boxleitner, l’auteur de Moby Dick ou de Taïpi et le héros de la série Frank, chasseur de fauves. C’est aussi un hommage à des écrivains aussi différents que Rudyard Kipling ou Albert Londres. A l’heure où il faut aller tout de suite à l’essentiel, Théodore Poussin est une série qui prend encore son temps. Le Gall y développe ses talents de dialoguiste. Les couleurs en à-plats de Robin Le Gall contribuent à faire de Théodore Poussin un grand classique de la ligne claire, dans la plus pure tradition de Hergé et Chaland, même si dans cet épisode, le trait du dessinateur se charbonise légèrement
Ce quatorzième album de Théodore Poussin aura été attendu pendant près de cinq ans. C’est peut être le prix d’une telle qualité, mais on aimerait tellement le lire plus souvent.
Série : Théodore Poussin
Tome : 14 – Aro Satoe
Genre : Aventure
Scénario & Dessins : Frank Le Gall
Couleurs : Robin Le Gall
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034747559
Nombre de pages : 80
Prix : 16,95 €