Courir pour vivre
« -Bravo Nina ! On va mettre de la technique là-dessus et tu iras très vite ! Il faut que j’aille voir tes parents pour qu’on établisse un programme d’entraînement ! C’est très important. Tu es à la fac, c’est ça ?
-Mes parents sont d’accord pour que je courre.
-Oui, ça c’est une chose, mais tu vas devoir venir plusieurs fois par semaine et avec tes études, faut que tu sois organisée.
-Compte sur moi, coach. »
1995, Nina est étudiante à l’université Panthéon-Assas. Ses résultats ne sont guère brillants mais le professeur ne semble pas être totalement objectif dans ses notations. Pour se changer les idées, Nina se noie dans le sport. C’est une athlète et la course est son dérivatif. A la maison, tout va bien. Papa est noir et musulman. Maman est juive. Trois générations vivent à la maison, le patriarche étant Papi Yoram. La spécialité de Nina, c’est le 100 mètres. 12,4 secondes, c’est vraiment pas mal. Elle a du potentiel. Son entraîneur lui propose de s’entraîner pour les championnats de France. Un jour, la séance d’entraînement ne va pas se terminer comme d’habitude. Sortant des vestiaires, Nina subit une agression sexuelle. Elle fera comme si de rien n’était. Elle n’en parlera pas…jusqu’à ce que le médecin du club ne décèle le problème.
« Je cours puisqu’il le faut… Pour faire battre mon cœur… Sentir mon pouls sur mes tempes… Mon souffle… Mes pieds qui apprivoisent le sol…. J’irai jusqu’au bout…. Dans mon histoire ! » Le sport pour se dépasser, le sport pour se faire une place, le sport comme une résilience. Avec le personnage de Nina, Rachel Kahn se raconte dans une histoire bouleversante. La jeune fille multiculturelle rêve non pas de reconnaissance, mais d’égalité. Mais en cette fin des années 90, la société est encore loin d’avoir assimilé des notions de tolérance, de partage et d’œcuménisme. Déjà qu’aujourd’hui celles-ci ne sont pas intégrées, imaginez ce que c’était il y a plus de vingt-cinq ans.
Les grandes et les petites choses de Rachel…enfin, de Nina… tournent autour de ce chronomètre, ce chronomètre qui mesure ses performances au 100 mètres, qui mesure ce temps qui s’est arrêté le jour de son agression, qui mesure l’Histoire du monde qui avance et la société qui évolue, ou plutôt qui n’évolue pas comme il faudrait pour que, quelques soient leurs races, leurs religions, leurs couleurs de peau, les hommes soient libres et égaux les uns avec les autres, et non pas les uns contre les autres. Rachel Kahn adapte son roman éponyme en bande dessinée. Le graphisme à la Dupuy-Berbérian d’Aude Massot invite un large public à découvrir ce récit qui peut aider à avancer, qui peut aider à réagir.
Juste un conseil, ne lisez pas la quatrième de couverture pour éviter d’en savoir trop sur le dénouement de l’histoire. C’est un regrettable couac éditorial.
Forrest Gump ne savait pas pourquoi il courait. Nina-Rachel le sait. « Les grandes et les petites choses » est l’histoire d’une jeune fille qui voit sa vie bouleversée alors qu’elle est une jeune adulte en pleine construction. Elle choisira le dépassement de soi pour tenter de s’en sortir. Sera-ce suffisant ?
One shot : Les grandes et les petites choses
Genre : Biopic
Scénario : Rachel Kahn
Dessin & couleurs : Aude Massot
Éditeur : Nathan
ISBN : 9782374181325
Nombre de pages : 168
Prix : 22 €