« Donnez-nous la liberté ou donnez-nous la mort ! »
« -On ne voit plus Charlie, ces derniers temps. Il a peut-être arrêté le lycée.
-Quoi ? T’es pas au courant ?
-De quoi ?
-Un membre de l’Ala s’est fait choper près d’ici. Et Charlie était sur les lieux !
-Sérieux ? Alors c’est vrai ce qu’on dit : il est de mèche avec ces foutus terroristes ! »
Charlie, l’humanzee, être hybride né d’un humain et d’une femelle chimpanzé dans un institut de recherche biologique, est dans un bien mauvais pas. Soupçonné d’être en lien avec l’Ala, une organisation qui prône le véganisme de façon violente, il est en garde à vue. Un avis de recherche a été lancé à l’encontre de deux hommes soupçonnés dans être les chefs. L’un d’eux est un ancien officier de l’armée américaine. Alors que sa famille, avec l’aide de Lucy, fait tout pour que Charlie retrouve le plus vite possible le chemin du lycée, les terroristes végans n’hésitent pas à faire couler du sang humain sous prétexte de sauver les animaux, voulant faire de Charlie leur leader. Mais l’humanzee est-il prêt à tout sacrifier pour cela ?
Alors qu’à la lecture du premier volume l’on pouvait s’attendre à une énième resucée de La planète des singes, c’est dans une toute autre direction que nous embarque le mangaka Shun Umezama. L’auteur y mêle extrémisme, complotisme et politique, sur fond d’évolution de l’espèce humaine. Les membres de l’Ala n’ont aucune limite. Se pose alors une question fondamentale : pour se faire entendre, faut-il aller plus loin que ce que l’on dénonce ? Est-ce en tuant des humains que l’on peut convaincre le monde de sauver la cause animale ? La loi du Talion, œil pour œil, dent pour dent, fait-elle comprendre les choses ? Au beau milieu de cette problématique, Charlie est un spectateur que l’on place dans un rôle d’acteur sans qu’il l’ait demandé. L’organisation secrète prônant le véganisme et luttant contre les expérimentations animales va-t-elle réussir à « retourner » Charlie ? L’humanzee pourra-t-il garder son libre arbitre ? Cette organisation n’aurait-elle pas un autre but que la cause qu’elle défend en apparence ?
Dans la même optique mais dans une mise en forme différente que Walking Dead, Darwin’s incident est une critique de la société capitaliste moderne. Arrêtons-nous un instant sur la couverture du tome 3 qui est une revisite de Nighthawks, célèbre tableau d’Edward Hopper. L’artiste se serait inspiré d’une nouvelle d’Hemingway, The killers, qui raconte l’histoire de deux tueurs à gages qui attendent leur victime, ainsi que du tableau Café de nuit de Van Gogh pour son ambiance nocturne dans un lieu déserté où le temps s’est arrêté. Rien de lieux ne pouvait symboliser le décalage qu’il existe entre Charlie et le monde qui l’entoure, qui ne va pas à la même vitesse que lui. On remarque que par ailleurs, Charlie tient dans les mains un exemplaire de Frankenstein de Mary Shelley, créature créée, comme lui, perdue, comme lui, mais qui a envie de prendre malgré tout son destin en main, comme lui.
Darwin’s incident confirme son impressionnant potentiel. Charlie est en pleine recherche de réponses aux questions posées dans son tableau par Paul Gauguin : « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? », et nous entraîne avec lui dans sa quête. Or de question qu’on le laisse seul.
Série : Darwin’s incident
Tomes : 2 & 3
Genre : Anticipation
Scénario & Dessins : Shun Umezawa
Éditeur : Kana
Collection : Big Kana
ISBN : 9782505114932/9782505119197
Nombre de pages : 192
Prix : 7,45 €