Mémoire et trauma
« -Les onze personnes tuées à Pittsburgh font de cet événement le crime haineux le plus meurtrier jamais commis contre des juifs sur le sol américain. Le shérif du comté d’Allegheny va tenir une conférence de presse dans quelques instants…
-Pourquoi c’est toujours à nous que ça arrive ? Peut-être qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez nous ? »
Etats-Unis, une fusillade dans une synagogue fait onze victimes. En voyant ça à la télévision, Jacob, rescapé de la Shoah, se demande pourquoi la communauté juive est une fois de plus victime. Y a-t-il quelque chose qui cloche ? A compter de ce jour, Ari Richter, son petit-fils, ne se sent plus en sécurité, comme si une menace était tapie dans l’ombre. Depuis des années, les juifs américains se sont intégrés, prospérant dans l’american way of life. A présent, l’antisémitisme semble être une obsession visant les privilèges et les gens d’influence. Richter glisse dans la dépression. L’artiste n’a plus d’inspiration. Il réalise que les manifestations d’antisémitisme dans le monde sont légions. En découvrant que ses deux grands-pères avaient beaucoup écrit sur leur histoire, eux, familles allemandes juives au XXème siècle, Ari Richter entre dans l’arbre généalogique de sa famille, au cœur des traumatismes physiques et psychologiques, au centre de l’holocauste et de ses conséquences.

Avec Ari, nous allons voyager dans le temps, sur les traces de ses aïeux qui témoignent de l’innommable, des horreurs qu’ils ont vécues. On connaît tous les camps de concentration et les tragédies qui s’y déroulaient. On connaît moins les jeux sadiques des nazis, tabassant les juifs à coups de massues cloutées et lâchant sur eux dans une cour fermée des chiens enragés. On entend les lamentations dans les baraquements et les exécutions des plaintifs. On apprend que certains prisonniers tombaient dans les fossés des latrines et mourraient suffoqués. Depuis petit, les grands-parents d’Ari l’ont préservé de ces traumatismes tout en lui racontant ce qu’ils avaient vécu. Avant de disparaître, papy Karl a enregistré des heures de témoignages. C’est dur, mais pour Ari, il est nécessaire de les écouter afin de ranger ces souvenirs dans un coin de son cerveau. Les anecdotes se multiplient. Le devoir de mémoire va amener Ari sur les lieux de l’enfer.

Plus jamais je ne visiterai Auschwitz est non seulement un témoignage historique mais est aussi un ouvrage de reconstruction. Il en a fallu du courage et de la chance aux ancêtres de Ari pour survivre à la déportation. Par miracle, Jack pu embarquer de Hollande jusqu’en Angleterre en juillet 1939, puis aux Etats-Unis, en 1940. Richter égraine le temps entre l’Amérique et l’Europe au fil de l’Histoire, jusqu’à remarquer la dégradation récente des liens entre passé et présent, constatant la vulnérabilité de son peuple. Dans un traitement graphique semi-réaliste hachuré, l’auteur propose une mise en garde basée sur des faits inadmissibles afin que l’Histoire ne se répète pas.

Plus jamais je ne visiterai Auschwitz est une histoire de familles, avec un « s ». L’œuvre, car plus qu’un album, c’est une œuvre, montre comment le traumatisme s’est incrusté dans la mémoire non seulement des acteurs de drame, mais aussi de leurs descendants qui l’ont reçu en héritage.
One shot : Plus jamais je ne visiterai Auschwitz
Genre : Histoire
Scénario, Dessins & Couleurs : Ari Richter
Éditeur : Delcourt
Collection : Outsider
Nombre de pages : 264
Prix : 29,95 €



