Un catalogue diabolique
« -Héla ! Qu’est-ce que c’est que ça ? Hé toi, qu’est-ce que tu fais là ? On ne veut pas de graffitis ici !! T’as compris la rature, on ne veut pas de toi sur notre page… Dégage !
-Mais… Mais laissez-le tranquille ! Vous voyez bien qu’il est nouveau ici. »
Un vilain gribouillis tout noir est chatouillé par une puce. Apparaissent une patte, une tête, une queue puis trois autres pattes. Le gribouillis canin a pris vie. Il est unique, il est quasi impossible de faire deux fois le même gribouillis. La bête entend une lamentation. Elle est intriguée et s’avance sur la page blanche, trop blanche, prudemment. Le gribouillis arrive au bout de la page où d’autres feuilles sont agrafées à la sienne. Au-delà de la petite attache de métal, il entend de nouveau la voix : « Mes yeux… Rendez-moi mes yeux ! ». Il se glisse de l’autre côté, et débarque dans un monde jusqu’ici pour lui inconnu. On ne peut pas dire qu’il soit accueilli chaleureusement. Une chaudière l’agresse, veut le faire dégager. Ce n’est pas le petit radiateur électrique qui le fera changer d’avis. Gribouillis est au beau milieu des pages d’un catalogue.

De retour en pleurs sur sa page blanche, le pauvre malheureux est rejoint par un diablotin dans son cube. Le jouet l’accuse de troubler l’ordre de son catalogue, puis, finalement, semble s’attacher à lui. Il lui offre une ombre, puis la parole, sans succès, avant de lui attacher un collier et de le traîner dans les pages du magazine, tel un trophée de chasse. Entre les accessoires ménagers, les vêtements et les jouets, Gribouillis va rencontrer tout une faune surréaliste. Le diablotin le perd et appelle une peluche, un chien commissaire-principal, pour qu’il mobilise ses troupes afin de le retrouver. Pendant que les troupes s’organisent, Gribouillis s’introduit dans un coin de page brûlé derrière laquelle il découvre un château où habite une princesse à qui on a pris les yeux.

Mumm n’est pas qu’une célèbre marque de champagne. C’est aussi l’acronyme des Merveilleuses Usines Mécaniques Modernes, dont nous sommes ici dans le grand catalogue, avec ses ustensiles, ses jouets, ses agrafes et son gribouillis. Turf écrit un conte surréaliste en noir et blanc. Il reste dans l’ADN Paul Grimault, comme dans La nef des fous, mais dans un ton plus décalé, plus acide. Hommage aux catalogues d’antan et aux crobars que l’on fait sur des bouts de page au téléphone, au moins à l’époque où les téléphones étaient à fil, ces incroyables aventures de Gribouillis est la réédition de l’album Gribouillis paru en 2003 et ayant bénéficié ensuite de deux tirages de tête. Ce nouveau titre, avec cette nouvelle couverture est plus cinématographique. Elle met en scène le Gribouillis et la princesse dans deux culs-de-lampe, tandis que le diablotin mène la troupe des chasseurs qui recherchent les fuyards. En fond, le château sombre trône sur une butte.

Les incroyables aventures de Gribouillis sont écrites comme un rêve, avec ses instants improbables et ses rencontres inattendues. Toutes les histoires de princesse et de château ont quelque chose d’étrange, on le sait depuis Charles Perrault. Le conteur aurait-il imaginé qu’un jour un chien de traits de stylo vienne s’immiscer dans l’histoire ? On reste un peu circonspect à la fin. Mais après tout, n’est-ce pas l’apanage des rêves ?
One shot : Les incroyables aventures de Gribouillis
Genre : Aventure onirique
Scénario & Dessins : Turf
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413088431
Nombre de pages : 120
Prix : 17,50 €