Cluedo au phare
« -Bravo Brieg… Encore une récompense !
-Et tellement méritée ! J’ai adoré votre dernier livre.
-Peu importent les récompenses. Ce qui compte, c’est la fidélité du public.
-Comment vont les ventes du petit dernier ?
-Déjà deux réimpressions. L’éditeur est ravi.
-Monsieur Mahé, ça va être à vous. »
Ce soir, le prix Eugène Brillant est décerné à l’unanimité à l’écrivain Brieg Mahé pour son dernier ouvrage « Mes émois et moi ». Lors de son discours de remerciements, il annonce tourner la page de l’autofiction pour se lancer dans le policier. Il espère rédiger le roman policier ultime, modèle du roman d’enfermement qui laissera les lecteurs sans voix. Il invoque les mannes d’Agatha Christie pour le guider et la dépasser. Le bougre n’est pas étouffé par la modestie. Son récit serait un théâtral « Dix petits nègres » (rebaptisé « Ils étaient dix ») au cœur de l’océan. Grâce au Ministre de la culture et surtout grâce à sa directrice de cabinet, Brieg Mahé propose à cinq personnalités un séjour privé au mythique phare d’Ar-Men, sur l’île de Sein. Si tous ont été invités, c’est parce qu’ils sont les spécialistes dans leurs domaines respectifs.

L’auteur invite Nathan Martel, romancier et concurrent à succès, Amélie Williams, réalisatrice de films, François Dulac, spécialiste ès-lettres de l’œuvre d’Agatha Christie au sujet de laquelle il a écrit biographie et essais, Gérard Morteau, commissaire de police à la retraite, ainsi que Yann Le Menec, un gardien de phare qui a connu Ar-Men habité.
Ce n’est pas pour rien qu’Ar-Men est surnommé L’enfer des enfers. Le quintet d’invités va vivre (ou mourir) un séjour de trois jours inoubliables. Entre auteur moderne et réchauffeur de vieilles potées anglaises, les avis divergent. Mais bon, dix mille euros de défraiement par personnes permettent de laisser les susceptibilités de côté. Inutile de préciser que tout le monde ne reviendra pas vivant.

Réédité dans la collection BD poche, Sang de Sein est la troisième des quatre histoires maritimes bretonnes dessinées par Nicoby sur scénarios de Patrick Weber. Ce dernier écrit ici un Whodunit imprévisible, une mise en abime au cœur de la création. Dans les personnages, notez que François Dulac est en fait une représentation de François Rivière, scénariste de bande dessinée, connu entre autres pour Albany avec Floc’h, et aussi spécialiste des œuvres d’Edgar-P. Jacobs et… Agatha Christie. Sur le phare, rien ne va se passer comme prévu et un coup de théâtre magistral va laisser le lecteur bouche bée. Et quand c’est fini, ce n’est pas fini. Il faut tout lire jusqu’à la dernière page car le rebond de la conclusion est un écho au préambule.
Nicoby alterne entre un théâtre de personnages et une mer démontée dont il montre avec éclats qu’elle est la patronne. Quoi que vous fassiez, les vagues décideront pour vous. Le dessinateur le prouve dans son trait.

Histoire de mer, histoire de mort, histoire de mystères, avec un « s », Sang de Sein est un polar comme on en redemande. On sent les embruns sur soi quand on referme l’album.
One shot : Sang de Sein
Genre : Polar
Scénario : Patrick Weber
Dessins : Nicoby
Couleurs : Kness
Éditeur : Vents d’Ouest
Collection : BD poches
ISBN : 9782344069578
Nombre de pages : 136
Prix : 10 €