Espaces verts pour bouffées d’oxygène
« -Aristote… Il faut changer de regard sur le vivant. C’est vital pour l’humanité. C’est pour ça que je veux faire ce livre et cette promenade. Suis-moi et tu vas changer de regard sur la nature, je te le promets.
-Bon… « Il n’y a pas de génie sans un grain de folie. » Gloups. «
Pour Aristote, grand penseur et l’un des fondateurs de la philosophie occidentale, le végétal est inerte, sans âme ni conscience. Lorsqu’il déclare ça au botaniste Francis Hallé, ce dernier a le sang qui bouillonne. Sensible aux idées de Voltaire, retiré à Ferney pour y planter des arbres, le scientifique compte bien prouver à Aristote que son anthropocentrisme à deux sous est une erreur. L’être humain n’est pas au sommet de tout. L’existence du végétal n’est pas justifiée par l’usage qu’en font les humains. L’échelle de la nature du philosophe a été reprise à tort par l’Eglise depuis plusieurs siècles. Ce postulat influence encore la vision du monde aujourd’hui. C’est grave. Francis Hallé va remettre les pendules à l’heure et prouver à Aristote et à ses lecteurs que la nature a une pensée, et qu’elle est loin d’être idiote.

« Les arbres sont une réalité essentielle de la vie sur terre. », dit Francis Hallé. Tout au long du livre, en héros de bande dessinée, il va nous expliquer comment vivent les arbres, comment ils naissent, grandissent et communiquent. On va apprendre la différence entre un arbre unitaire et un arbre coloniaire. Le premier est constitué d’une seule unité architecturale qui grandit pendant toute la durée de sa vie, comme les sapins ou les palmiers. Le second va créer sur lui-même d’autres structures, des réitérations, lui permettant de se développer dans l’espace, comme les chênes ou les platanes. On va aussi apprendre la différence entre forêt primaire et secondaire. La première n’a pas subi de fortes influences humaines et reste dans un état naturel. La seconde en a été l’objet et il lui faudra plusieurs siècles pour redevenir primaire. On va aussi découvrir les secrets de la canopé et prendre conscience des ravages de la déforestation.

Avec la collaboration de Francis Hallé, Vincent Zabus écrit un album reportage, poétique, fantastique et réaliste. Comme un arbre qui a des branches qui prennent diverses directions mais qui a un seul tronc, il choisit de mettre en abime le scientifique dans l’histoire et de l’inscrire dans un dialogue impossible avec Aristote qui a vécu près de vingt-cinq siècles plus tôt. Hallé adopte un discours descriptif et pédagogique sans prétention et avec passion. Quand on entend quelqu’un parler ainsi de son domaine, on ne peut que s’y intéresser. Hallé prend aussi la position de lanceur d’alerte mettant en garde sur l’avenir de la planète si l’homme continue à considérer les arbres comme des produits de consommation. Nicoby adapte son trait souple à la cause, sachant affiner son trait tel un botaniste graphiste. C’est avec émotion qu’on profite aussi ici des dernières couleurs de Philippe Ory, qui nous a récemment quitté. Pierre Jeanneau a pris la relève pour terminer l’album.

Francis Hallé est un génie de la forêt tout autant qu’il démontre avec pédagogie le génie de la forêt. Après avoir lu cette transmission de savoir, jamais plus vous ne vous promènerez au milieu des arbres comme avant. Une respiration.
One shot : Le génie de la forêt
Genre : Ecologie
Scénario : Vincent Zabus & Francis Hallé
Dessins : Nicoby
Couleurs : Philippe Ory & Pierre Jeanneau
Editeur : Albin Michel
ISBN : 9782226494900
Nombre de pages : 112
Prix : 19,90 €