La forêt de l’angoisse
« -Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
-Tu as vu ces lumières ?!
-Non.
-Elles ont disparu… Ça venait de la première ligne d’arbres. Je te jure. Je les ai vues… Elles étaient très brillantes !
-Sans doute un braconnier avec une lampe torche. Je vais jeter un coup d’œil. Je reviens…
-Sois prudent ! »
Saskatchewan, 10500 avant Jésus-Christ, un chasseur indien traverse la forêt à la recherche d’une proie. Soudain, il interrompt sa course, intrigué par les yeux luisants d’une créature étrange qui l’observe dans les sous-bois. Cisco, contrefort des Rocheuses, 1849, un convoi de pionniers fait halte car la nuit tombe. Les colons bivouaquent autour d’un feu quand, tout d’un coup, les chevaux paniquent. Ça ne durera pas longtemps. Les créatures, les mêmes que celles qu’a vues l’indien quelques milliers d’années plus tôt, s’approchent et massacrent les voyageurs. Palmyra, Somerset County, Maine, Etats-Unis, de nos jours, la famille Saville s’est installée dans une ferme isolée. Ils ont deux enfants. Le soir, mari et femme ont l’habitude de prendre le café sous le porche couvert. Ce soir, Shelley aperçoit une lueur derrière la première ligne d’arbres. Son mari Eric, boiteux après un accident du travail, s’avance pour faire fuir les éventuels intrus de leur propriété privée. Il ne trouve personne. Ce ne sera pas la même chose quelques nuits plus tard, lors du week-end du Memorial Day où des créatures aux allures de loups-garous tenteront d’assiéger la ferme. Le lendemain, Eric décide de faire appel à Doug, un de ses cousins amateur de chasse au gros gibier.

Après la montagne de Warm Springs et la prison d’Aparecida, la forêt de Palmyra est le décor du troisième one shot de la collection d’anthologie Survival. Ici, l’ennemi est sournois. Entre un mystère à la Stryges et des mythes célèbres de créatures typiques de la littérature fantastique, cet épisode honore toutes ses promesses en matière de suspense, de tension et de sueur. Christophe Bec monte savamment son scénario sur plusieurs époques très rapidement, sans qu’on en reparle tout au long de l’album… sauf évidemment à la fin pour, non pas une grande explication finale, mais la preuve de l’élément déclencheur de l’agissement des bêtes. Avec cette série, Bec s’installe au rang de maître du mystère fantastique, au même titre que Corbeyran. Il joue du page turner avec malice pour empêcher le lecteur de refermer l’album avant la fin. Comme dans bon nombre de scénarios fantastiques, les relations familiales sont au cœur de la problématique, et beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire jusqu’à la fin.

Le dessinateur Kamil Kochanski publie sa première bande dessinée en français. Il joue avec les ombres et lumières pour ne pas tout dévoiler des bêtes belliqueuses. Il sème la terreur dans les yeux des humains et s’avère surtout un grand décorateur. La forêt n’est pas le paysage le plus facile à représenter, mais c’est surtout dans des compositions originales qu’il se distingue comme ce soleil couchant derrière la ferme des Saville, aidé par les couleurs sombres aux jets de lumière de Facio.
Bec s’amuse avec les poncifs des scenarios de genre. L’inconscient qui va voir tout seul ce qu’il se passe. Le « héros » solitaire qui pense tout savoir mieux que les autres et résoudre tous les problèmes. La mère de famille qu’on met rapidement de côté parce qu’elle n’a plus grand rôle à jouer. Tout ce petit monde se retrouve autour de dialogues dont certains pourraient sembler bateau mais qui sont indispensables aux « survivals ».

Qui survivra aux monstres ? Que veulent ces créatures ? Pourquoi agissent-elles ainsi ? Il faudra attendre la toute dernière page pour comprendre. Avec Survival, Christophe Bec joue avec nos nerfs dans des one shots intensifs.
Série : Survival
Tome : 3 – Palmyra
Genre : Thriller
Scénario : Christophe Bec
Dessins : Kamil Kochanski
Couleurs : Facio
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302102989
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €