Le destin tennistique d’Althea Gibson
« -Je sais. Elle fait ce qu’elle veut. Elle ne veut plus aller à l’école. Et puis je suis quoi, moi ? Un simple mécano.
-Papa… On m’a fait une proposition.
-Ah ?
-Buddy et des amis à lui ont proposé de m’inscrire au Cosmopolitan Tennis Club.
-C’est quoi ça ?
-Ah ah ah ! C’est des noirs qui se prennent pour des blancs en jouant au tennis. »
Pas facile dans les années 40 pour une jeune fille de Harlem de se faire une place dans le sport. Issue d’une famille nombreuse, papa mécanicien, Althea Gibson joue au basket, au base-ball et au paddle dans les rues de la ville, parfois même avec la police. Elle s’est même mise au tennis. Mais problème, à cette époque, les compétitions sportives de cette activité sont réservées aux blancs. La politique de ségrégation raciale fait la loi. Les noirs avaient leurs propres clubs, leurs tournois et leur fédération : l’American Tennis Association. Plus douée que ses camarades de jeu, Althea écrase ses adversaires. Entraînée par Fred Johnson, elle rêve d’affronter les plus grandes joueuses mondiales sur le circuit. Elle intègre les meilleures écoles de tennis black. Grâce à une tribune de la championne Alice Marble dans l’American Lawn Tennis Magazine, le rêve d’Althea va s’exaucer. Comme dans le football, la boxe et le baseball, les noirs vont pouvoir intégrer les grandes compétitions de Tennis.

Y aurait-il eu Artur Ashe ou les sœurs Williams si Althea Gibson n’avait pas existé ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser. La championne a en tous cas ouvert une brèche. Aujourd’hui oubliée du grand public, elle s’est construite dans une Amérique raciste. Exemple de combattivité et de pugnacité, Althea a remporté Roland Garros, Wimbledon et l’US National (ancêtre de l’US Open) à la fin des années 50. Elle tentera de poursuivre sa carrière dans la chanson, sans trop de succès, puis dans le golf, arrivant jusqu’à la vingt-septième place mondiale. Ces activités ne rapportant pas l’argent qu’elles rapportent aujourd’hui, Althea Gibson pourra-t-elle terminer sa vie avec un niveau de vie plus élevé que celui des quartiers de Harlem où elle a été élevée ?

Le scénariste Julien Frey retrace la vie de la tenniswoman méconnue en quatre chapitres. La fille de Harlem s’attarde sur son enfance. Noire et blancs montre ses succès dans le tennis et son combat pour pouvoir affronter les « blancs ». Toutes les balles retrace sa carrière sur le circuit international professionnel. Vivre conclue sur ses derniers choix de vie. L’ensemble est raconté par la voix d’Althea, de façon linéaire, et se termine sur un émouvant flashback entre elle, adolescente, et son père.
Au dessin, Sylvain Dorange navigue des rues de New-York aux courts de Tennis dans une ambiance colorimétrique à mi-chemin entre des tons très fifties et une fausse impression sépia qui va à ravir avec l’atmosphère du récit.

Althea Gibson est au sport ce que Rosa Parks et Claudette Colvin sont au combat des blacks pour se faire une place légitime dans la société. Ce biopic lui apporte enfin un morceau de l’aura qu’elle mérite.
One shot : White only
Genre : Biopic
Scénario : Julien Frey
Dessins & Couleurs : Sylvain Dorange
Éditeur : Vents d’Ouest
ISBN : 9782749309927
Nombre de pages : 152
Prix : 23 €