Il n’y a pas que Spirou à Marcinelle
« Les éditions Dupuis, avec leurs six hebdomadaires français et flamands, leurs brochures, leurs albums et leurs travaux à façon, sont pour nous, Marcinellois, un double sujet de satisfaction. Comptant parmi les plus importantes « usines » de la commune, avec leurs centaines d’ouvriers, d’ouvrières, de dessinateurs, d’employés, de rédacteurs, elles sont l’un des éléments de la prospérité de Marcinelle, mais aussi son plus sûr moyen de rayonnement dans le pays et par-delà les frontières. Les milliers de mots, les idées et les pensées qu’elles véhiculent chaque semaine à travers l’Europe ont internationalisé un nom qui nous est cher : Marcinelle. » (Marcinelle, Fleur du Pays Noir, 1960)
Ouvrir un livre et tomber sur les mythiques pages de garde bleues avec des écureuils dans des losanges, ça ne peut que donner des frissons dans le dos à tous ceux qui ont eu leur enfance bercée par les gros recueils du journal Spirou. Ces pages de garde étaient les plus à propos pour orner un livre sur l’histoire des éditions Dupuis. Si de nombreux livres ont déjà été publiés, ça a toujours été par le prisme de Spirou, personnage vedette de la maison. Les auteurs de cet ouvrage ont voulu utiliser une autre porte d’entrée pour démontrer que Dupuis, c’est Spirou, d’accord, mais c’est loin de n’être que ça.
Pour rédiger cette somme de plus de quatre-cents pages, Christelle Pissavy-Yvernault et David Amram se sont entourés de six rédacteurs apportant des regards nouveaux : Michaël Baril, Jérôme Dupuis, Benoît Glaude, Clément Lemoine, Sylvain Lesage et Gert Meesters y contribuent.
Le prologue débute par la vie de Jean Dupuis, imprimeur et éditeur qui lança la revue Bonnes soirées en 1922, vingt-quatre ans après avoir publié un premier livre sur la légende de Saint-Hubert. Cette introduction survole les grandes étapes de la vie de la maison Dupuis avant d’y revenir chapitre après chapitre.
Le premier chapitre est consacré à Dupuis éditeur de presse. Les bonnes soirées est passé du statut de magazine phallocrate à un questionnement sur l’émancipation de la femme, surfant sur les airs du temps. La revue s’arrêtera en 2006, après un changement de nom pour Côté femmes à la fin des années 90. Journal humoristique et satirique, Le moustique voit le jour en 1924. Il existe encore aujourd’hui mais est essentiellement consacré à la télévision. 1938 marque la naissance de Spirou. Rédac’chefs, suppléments, couvertures, collaborateurs, laboratoire d’idées, l’ADN du journal, qui a dépassé aujourd’hui les 4500 numéros et qui est le dernier hebdomadaire de BD, est mis en exergue. Les auteurs n’oublient les revues éditées en collaboration avec la World Press, ainsi que les publications néerlandophones.
Le deuxième chapitre s’attache aux livres, c’est-à-dire aux ouvrages pérennes en librairie. Au départ, Dupuis est un éditeur littéraire. Romans de gare, récits illustrés et livres didactiques précèdent les albums illustrés pour enfant, comme la remarquable adaptation du roman de Renart par le grand René Hausman. Avant cela, en 1940, Dupuis s’est lancé dans l’édition d’albums de bande dessinée avec Les aventures en Afrique de Fred, Mile et Bob de François Gianolla. Il va être question de dos ronds, de demi-albums de Gaston, de catalogues, de ventes, d’intégrales et de collections comme la désormais mythique et toujours vivante Aire Libre.
La partie Esthétique définit la fameuse école de Marcinelle, avec comme fers de lance Jijé, Franquin, Morris, Will, Peyo, Roba, Tillieux,… On y parle d’influences américaines. On assiste à la diversification graphique vers une ligne poil initiée par Le trombone illustré et poursuivie par la génération Hardy, Bercovici, Wasterlain, Conrad,… Entre ligne claire et réalisme, des crayonnés à la colorisation et jusqu’au numérique, sur l’évolution des scénarios et la fin (ou presque) des héros, on apprend tout sur, non pas la, mais les écoles de Marcinelle. La dernière partie est consacrée à la culture Dupuis : ses engagements, ses projets éducatifs et moraux, partis d’un axe catholique marqué, l’émergence de l’esprit subversif venu des auteurs maison, la publicité, les produits dérivés, ainsi que les dessins animés depuis les studios TVA en 1959.
Livre d’Histoire et d’histoires, indispensable pour comprendre et ne plus avoir de secrets sur l’aventure de la maison, cette Véritable histoire des éditions Dupuis est un ouvrage de référence abondamment illustré qui trouvera une place de choix dans la bibliothèque de tout bédéphile.
Titre : La véritable histoire des éditions Dupuis
Genre : Ouvrage d’études
Sous la direction de : David Amram & Christelle Pissavy-Yvernault
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034767885
Nombre de pages : 432
Prix : 65 €