Chroniques retrouvées d’un petit journaliste belge
« Ces quelques soixante pages ont un dessein pluriel : retrouver, avant tout, cette fabuleuse ambiance de la bande dessinée qui a le don de nous ramener en enfance; revivre chaque album avec les yeux d’un journaliste plutôt que ceux d’un aventurier; se replonger dans un contexte historique fascinant et s’amuser, aussi, avec des éléments qui n’appartiennent ni à la saga, ni à l’Histoire, mais à ma propre imagination ! » (Marc Ouahnon)
Dans Tintin au pays des Soviets, Tintin fait quelque chose qu’il ne fera plus jamais au cours de ses aventures, ou au moins que l’on ne lui verra plus faire : écrire un article de presse pour le journal dont il est reporter : Le Petit Vingtième. Pourtant, il en a forcément rédigé de nombreux autres, sinon il n’aurait plus cette condition de journaliste qui lui permit de prendre part à tant de voyages et d’expéditions. Journaliste lui-même pour le magazine Géo, Marc Ouahnon a la géniale idée de se mettre dans la peau de Tintin pour écrire tous ces articles qu’auraient lu les lecteurs du quotidien belge. Paradoxalement, il ne signe jamais du nom du jeune homme à la houppe car seul Hergé aurait pu écrire pour lui. Afin de crédibiliser encore plus le propos, l’auteur abandonne les pays imaginaires comme la Syldavie ou le San Theodoros et n’hésite pas à mettre en scène des personnages réels comme Maria Callas ou le professeur Piccard. Au fil de l’album, Marc Ouahnon joue donc avec le lecteur, lui proposant de distinguer l’allusion aux albums du fait historique. Le tout est sobrement illustré par Alejandro Martin Olmos, comme des photos prises sur le vif.
Si l’on en croît l’écrivain, Tintin aurait travaillé successivement pour trois journaux : Le Petit Vingtième, de 1930 à 1939, La Nuit, de 1941 à 1943, puis Le Reporter de 1946 à 1976. Le premier article date donc du 4 mars 1930. Le reporter décrit l’enfer soviétique où la police pratique une politique de la terreur pour maintenir en place l’idéologie communiste. Il y voit un simulacre de démocratie. Après le Congo belge, les Etats-Unis, l’Egypte et les Indes, c’est depuis Shanghaï que l’envoyé spécial raconte les exactions japonaises en Chine, avec notamment le sabotage d’une ligne de chemin de fer. L’empereur Hirohito lui-même serait-il impliqué ? Pour l’affaire que les lecteurs connaîtront sous le titre « Le sceptre d’Ottokar », on apprend que les faits ont eu lieu en Yougoslavie. Le pays est passé à deux doigts d’être envahi par l’armée nazie de la Wehrmacht.
Un trafic de hasch dans des boîtes de conserve au Maroc, une expédition organisée par le Fonds européen de recherche dans l’océan Arctique pour retrouver un fragment de météore, les archives retrouvées d’un corsaire du XVIIème siècle, puis l’enquête qui permis de retrouver l’épave de son galion, voici les articles écrits pour le journal La nuit.
Notre dévoué T. introduit le troisième volet de ses articles en présentant le tout nouvel hebdomadaire pour lequel il travaille et qui paraît tous les jeudis : Le Reporter. Il nous promet de longs reportages illustrés en couleur. On y voit là un écho à la création du journal de BD Tintin, lancé par Raymond Leblanc en 1946. Bref, le vrai T. continue à parcourir le monde et l’espace pour nous faire découvrir aussi bien les cirques lunaires que les splendeurs du Tibet, avant de conclure sur l’exil du général bolivien Al Cazar dans le maquis.
Maintenant, on en est sûr. Tintin a bien écrit des articles à chacune de ses aventures. Marc Ouahnon nous le prouve. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
Titre : De notre envoyé spécial
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Marc Ouahnon
Illustrations : Alejandro Martin Olmos
D’après l’œuvre de : Hergé
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9782494744240
Nombre de pages : 64
Prix : 16,90 €