Une histoire d’amour en treillis
« -Bonjour m’sieur. Voilà mon dossier !
-Votre nom ?
-Merle Gore. Et vous ?
-Pardon ?
-Vous vous appelez comment ?
-Je… Euh… Je suis le Dr Cole.
-Enchanté. Bon, vous ne me proposeriez pas de m’asseoir ? C’était chiant de rester debout tout ce temps dans la file.
-Euh…
-Et sinon, « Docteur », c’est votre prénom ? »
1941, Alan Cole est un jeune psychiatre exerçant dans un hôpital de Détroit. A l’heure où les Etats-Unis entrent en guerre contre le Japon, il est exempté d’office de l’appel sous les drapeaux de par sa profession. Pour son futur beau-père, ancien général, c’est impensable. Il ne donnera pas la main de sa fille à quelqu’un qui refuse de s’engager. Voilà donc Alan un brin forcé de signer. En tant que médecin, il est engagé directement avec le grade de sous-lieutenant et partagera son temps entre une formation militaire de base et des entretiens avec les recrues afin de déterminer si elles sont bien aptes au service. A lui la charge de rejeter tous les appelés qui pourraient nuire à la discipline et au moral des troupes. Exit donc les délinquants, les cleptomanes, les mythomanes, les alcooliques… et les homosexuels, déviances disqualifiantes.
Quand le beau Merle Gore va entrer dans son bureau en slip avec son air séducteur, le docteur Alan Cole ne savait pas encore que sa vie allait être bouleversée. Toujours est-il que Merle passe le test avec succès et est engagé. Entre les deux hommes, durant les entraînements commando, un subtil jeu de séduction va se mettre en place, jusqu’à un baiser langoureux un soir sur un ponton, sans que personne ne les remarque. Quelques jours plus tard, Merle va faire partie des soldats envoyés aux îles Samoa américaines dans l’océan Pacifique. Trois mois plus tard, Alan va postuler pour le rejoindre sur place. Qu’a-t-il fait de son avenir tout tracé avec sa fiancée ? Les GI réussiront-ils à entretenir une relation discrète à l’abri des regards malveillants ?
En 2009, aux Etats-Unis, Barack Obama s’engage à mettre fin à la loi « Don’t ask, don’t tell » qui obligeait les homosexuels à cacher leur condition pour pouvoir servir dans l’armée. Avant 1993, c’était hier, ils en étaient carrément bannis. C’est Bill Clinton qui trouva ce compromis pour permettre à tous, quelque soit leur orientation sexuelle, de défendre leur pays. Alcante s’empare de cette problématique en plaçant le sujet en pleine Seconde Guerre Mondiale. Il décrit la persécution subit par les GI homosexuels au sein même de leur camp. Pour autant, GI gay n’est pas un manifeste politique, mais tout simplement, ou plutôt tout complexement pour ses protagonistes, une histoire d’amour au même titre que Roméo et Juliette ou Le secret de Brokeback Mountain. Au dessin, Bernardo Muñoz accentue les émotions dans un réalisme aux couleurs d’époque. Les scènes de guerre proposent une double lecture en parallèle aux affres subies par les soldats gays.
Tout laisse à penser que l’histoire pourrait être vraie. Peut-être l’a-t-elle d’ailleurs été ? Lue au prisme de 2024, on mesure tout le chemin parcouru depuis une soixantaine d’années. Il reste encore de la route pour arriver à la tolérance zéro dans un monde où chacun se ficherait de la sexualité des autres. Appel à la tolérance, mais aussi à la vigilance, sans prosélytisme aucun, G.I. gay ouvre les yeux sur le sujet dans une construction scénaristique et graphique de belle facture.
One shot : G.I. gay
Genre : Histoire
Scénario : Alcante
Dessins & Couleurs : Bernardo Muñoz
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9791034747382
Nombre de pages : 128
Prix : 26 €