De l’autre côté de l’uniforme
« -Rhâââ…
-Celui-là vit toujours !
-Rhâââ…
-Tenez bon, sergent !
-Aaah… Scarlett…
-Euh… Non ! Moi, c’est Cornélius !
-Scarltt… Ma fiancée… Rhâââ…
-Je crois qu’il trépasse… Pauvre gars… Il a eu une fin misérable.
-J’avoue… Expirer dans vos bras, c’est pas de chance !
-Rhâââ… Scarlett… Donnez-lui ma méd… médaille… Rhâââ… Promettez-moi…
-Promis…
-Rhâââ…
-Cette fois, c’est fini… Il a rejoint les verts pâturages ! »
Poursuivis par une bande d’outlaws, deux soldats confédérés sont abattus sous les yeux de Blutch et Chesterfield, planqués derrière une butte. Ce n’est pas un acte de guerre, c’est un pur assassinat. En s’approchant des victimes une fois les tueurs déguerpis, Chesterfield recueille la dernière volonté du sergent sudiste qui, dans un ultime souffle, lui fait promettre de donner sa médaille à sa fiancée Scarlett, dont il trouve l’adresse sur une lettre dans la veste du -à présent- cadavre. Après avoir voulu abandonner son collègue, le caporal Blutch revient sur ses pas pour accompagner le sergent Chesterfield dans sa mission. Ils entrent au Texas, en territoire confédéré et troquent leurs uniformes contre des ponchos de mexicains. Arrêtés peu après par une troupe de soldats gris, la lettre prêtant à confusion, nos bleus sont pris pour leurs compatriotes morts en mission. Les voici donc intégrés à une garnison sudiste. Ils vont être chargés, avec d’autres soldats confédérés, de récupérer un chargement de 750 000 $ en lingots d’or afin de consolider leur armée en déroute sur plusieurs fronts.
Voici donc Blutch et Chesterfield en bien mauvaise posture, embringués dans un quiproquo inattendu. Une simple promesse faite à un mourant et les voici devenus sudistes malgré eux. Comble du comble pour le sergent, lui, reste sergent, tandis que son petit caporal est à présent lieutenant. La mission va être complexifiée par plusieurs paramètres. D’une part, il y a dans la troupe avec laquelle ils partent chercher l’or le caporal Lee, « junior » dont c’est la première mission sur le terrain et dont le père tient à ce qu’il s’aguerrisse un peu. D’autre part, il y a Jones, un soldat confédéré noir. Et oui, contre toute attente il y avait bien des noirs dans l’armée sudiste. Celui-ci s’estime d’ailleurs mieux traité que son cousin engagé dans l’armée de l’union et qui doit se farcir les tâches que ne veulent pas faire les blancs : ramasser les macchabées et nettoyer les latrines. Ça vaut un dialogue détonnant entre lui et Chesterfield qu’il croit comme lui confédéré. Il lui assène un violent : « Vous croyez encore que l’enjeu de cette guerre, c’est l’abolition de l’esclavage ?… Ha ! Ha ! ».
Nouveau scénariste, même dessinateur, les Tuniques Bleues sont de retour dans De l’or pour les bleus. Avec Roger Leloup, Willy Lambil fait partie des derniers dinosaures que l’on retrouve toujours avec une émotion incommensurable, même si le poids des années se ressent dans son trait. Le dessinateur semble employer la méthode Morris après la disparition de René Goscinny. Contrairement à Lucky Luke, les histoires post-Cauvin restent toutes d’un excellent niveau. Celle-ci ne déroge pas à la règle. Après Kris, Lambil change donc de scénariste, montrant qu’il est seul maître à bord. On n’attendait pas Fred Neidhardt à cette place. Il a mené un véritable travail de recherche afin de trouver un angle pas creusé par ses prédécesseurs. Il montre le non-manichéisme de la guerre de Sécession à propos de la cause esclavagiste. Neidhardt propose une histoire dense tout en préservant l’ADN Cauvin quant aux relations dans le duo Blutch-Chesterfield.
Soixante-huitième chevauchée et les bleus sont toujours aussi frais. Quand un classique a encore une telle force après tant d’années, c’est qu’il y a quelque chose de magique.
Série : Les Tuniques Bleues
Tome : 68 – De l’or pour les bleus
Genre : Aventure/Histoire/Humour
Scénario : Neidhardt
Dessins : Lambil
Couleurs : Leonardo
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504188
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €