Le moulin de mon cœur
« -Tu habites où ? Je ne te connais pas !
-Et toi ?
-La marinière.
-La ferme du Plessix ?
-C’est chez ma grand-mère.
-Moi, c’est le moulin.
-Lequel ?
-Ecoute-s’il-pleut, tu le connais ? »
Années 60, Normandie. Au fond de la vallée, il y a trois moulins. Le premier est le moulin de la Bée, plus loin se trouve celui de la forêt. Entouré de grands arbres, il faisait la meilleure farine. Plus haut, près des berges envahies de ronces et d’orties, on déniche un troisième moulin avec son drôle de nom : « Ecoute-s’il-pleut ». Cet été, Daniel passe quelques jours de vacances chez sa grand-mère, veuve depuis l’hiver dernier. En enterrant un chat qu’il venait de trouver écrasé sur la route, il rencontre Paul, un grand adolescent comme lui, qui prétend habiter le moulin « Ecoute-s’il-pleut ». Le lendemain, il y amène Daniel. La mère de Paul leur propose une citronnade. Pour le goûter, Paul tranche le pain avec un couteau suisse. C’était un cadeau de son père décédé. Les jeunes vont ensuite visiter le moulin, avec son stock de farine et sa roue à aube surmontant un profond puits. Quelques jours plus tard, lorsque Daniel raconte à sa grand-mère où il était, celle-ci s’étonne : « Daniel, personne n’habite à « Ecoute-s’il-pleut » !… Ni ce Paul, ni personne ! »
Dans un premier temps, Daniel pense que sa mamie a été perturbée par la perte de son mari et qu’elle déraille. En retournant sur place, il trouve le moulin « Ecoute-s’il-pleut » en ruines et inactif. Que s’est-il passé ? Ce n’est pas possible qu’en si peu de temps la végétation ait envahi les lieux. Est-ce lui qui a déliré ? Sa rencontre avec Louis Blonville, l’ancien instituteur du village, va répondre à quelques-unes de ses questions. Ça fait quinze ans que le moulin est abandonné. Il a été le théâtre d’un drame lié à la guerre. Les fantômes ont fait remonter à la surface la puissance des souvenirs.
Comme à son habitude, Rodolphe amène sur des pistes sur lesquelles le chemin est escarpé. La direction que l’on croît prendre n’est pas celle des intentions de l’auteur. Rodolphe flirte avec le fantastique, tout en restant dans la plausibilité des dérives et des limites du cerveau humain. A quel point les lieux offrent-ils leur passé à ceux qui les fréquentent ? On est là dans un surnaturel qui n’est pas farfelu. On dit souvent que les murs et les pierres parlent. C’est exactement le postulat de cet album. Et qui dit décor expressif, dit Patrick Prugne. Le spécialiste de l’histoire sauvage nord-américaine quitte les grands espaces pour une nature et une époque proche de la nôtre. Rodolphe l’invite au fin fond de la forêt de campagne française. Prugne y mêle une architecture comme si elle faisait partie de cette verdure. D’ailleurs, elle en fait partie. La couverture, magnifique, à regarder en détails, démontre comment Prugne a intégré cette place de l’homme dans la nature et comment Rodolphe annonce déjà qu’il va brouiller les apparences.
« Ecoute-s’il-pleut » montre un nouveau Prugne, tout en cohérence avec l’artiste qu’il est, et un Rodolphe bien en forme qui montre qu’il a encore de quoi surprendre.
One shot : Ecoute s’il pleut
Genre : Emotion
Scénario : Rodolphe
Dessins & Couleurs : Patrick Prugne
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741882
Nombre de pages : 72
Prix : 18 €