Une ode à la liberté, à la vie en Latécoère ?
1948, la guerre est finie depuis 3 ans mais les souffrances endurées ont difficile à s’effacer. La peur d’une Troisième Guerre mondiale est dans les esprits de certains.
Dès lors, qui refuserait un voyage de 15 jours tout frais compris aux Antilles ?
C’est ce que se disent les 44 vainqueurs d’un simple concours lorsqu’ils reçoivent un courrier leur annonçant leur prix et leur billet d’avion.
Et pas n’importe quel avion ! Le Latécoère 631 ! Le plus grand et luxueux hydravion réservé à l’élite la plus riche.
Un voyage et un séjour de rêve !
Pourtant ses vainqueurs n’auraient-ils pas un dénominateur commun ? Cette liste est-elle un simple hasard ?
Augustin Vanel, vieux monsieur vivant avec son chat, Rose une prostituée rêvant de vacances, Constance Aimée et sa sœur Colette, Bernard Frigolin, … Que des « anonymes », de petites gens « comme tout le monde » mais qui n’attendent (plus) rien de leur avenir !
L’équipage ? Marceau Renard ex-commandant de l’Armée de l’Air française dont le premier béguin s’appelait Rose. Victor, son co-pilote, ancien camarade d’escadrille.
Paul Faure et son épouse Alice qui a été son infirmière à la sortie de la guerre.
Pour eux un nouveau conflit mondial est loin de n’être qu’une hypothèse …
Cependant tout commence idéalement. Du bâtiment d’Air France, Esplanade des Invalides à Paris, un bus pour la gare d’Austerlitz, un trajet en train-couchette vers le sud, puis nouveau bus jusqu’à Biscarrosse et le 6 avril 1948, à 4h02 précise, décollage vers Fort-de-France.
Idyllique me direz-vous ? Mais là commence l’imprévu !
Le lendemain, à 12h09, l’hydrobase des Hourtiquets reçoit un appel de détresse désespéré de Roméo India, indicatif de cet hydravion mythique ! Puis plus rien ! Silence radio !
A 16h15, le Latécoère 631 F-BDRI est officiellement porté disparu avec son équipage et ses 44 passagers !
Que lui est-il arrivé ? A-t-il disparu en mer ? Accident ? Panne ? Sabotage ? Ou … ?
Mystère total !
Un savant mélange de polar, de bons sentiments, de complot et d’intrigue politico-humaniste. A moins que tout ceci ne soit qu’une façade cachant … ?
Jack Manini nous offre ici un pur délice de saveurs multiples autour du bonheur simple. Alors que chacun des principaux protagonistes pourrait apparaître comme le « héros » de cette aventure, ceux-ci ne seraient-ils pas que des seconds rôles derrière le véritable ciment de l’ensemble : cet hydravion légendaire qu’était le Latécoère 631 ?
Un petit dossier bien documenté clôt d’ailleurs l’album. Richement illustré, il nous présente aussi bien ce « monstre » volant que le rêve qu’étaient à cette époque ces vols transocéaniques.
Un scénario sans violence ou tension si ce n’est : qu’est-il réellement arrivé à l’équipage et à ses passagers ?
L’intrigue démarre innocemment par le départ des vainqueurs d’un concours dont le prix est 15 jours de vacances aux Antilles. Aucun indice n’est offert aux lecteurs qui lui permettraient d’échafauder la suite. Ces derniers apparaissent au fur et à mesure par des chapitres flashbacks semblant être totalement indépendants les uns des autres et présentant certains personnages, événements passés anodins et disparates, … Un peu comme différentes pièces d’un puzzle qu’on assemblerait au hasard et dont l’image finale ne se dévoilerait qu’à la fin.
Une maîtrise du rythme scénaristique des plus agréables à la lecture, créant à la fois suspense et envie de savoir où cela va nous mener.
Le trait graphique de Michel Chevereau, dont on connaît l’amour des avions (« La pin-up du B-24 », également avec Jack Manini au scénario), fait ici merveille, tout comme son découpage des planches ou encore ses angles de vue ! Soutenant cette structure narrative un rien « déconstruite », son style réaliste et dynamique fait la part belle aux visages et … au Latécoère !
Entre détails aéronautiques et expressions, un travail soigné pour un résultat garanti !
Jack Manini renforce l’atmosphère de son scénario par une palette de couleurs tantôt sepia – ogre, tantôt bleutée. Soulignant ainsi les changements d’époque, il crée une ambiance vintage, genre vieux films, années ’40-’50 ?
Bref, « Bon Voyage ? » est un bol d’air plaisant en cette période de vacances pour certains, de morosité ou d’angoisse du futur pour d’autres. Une invitation à se rappeler qu’une autre vision est parfois possible … à certaines conditions !
Un des coups de cœur de l’année !
Titre : Bon voyage ?
Scénario – couleurs : Jack Manini
Dessin : Michel Chevereau
Editeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
Parution : 2 mai 2024
Page : 80
Format : 24,3 x 32 cm
ISBN : 978 2 8189 9500 6
Prix : 16,90 €