Réhabilitation d’un pilier de Pif Gadget
« -Je cherche la monture de mes rêves…
-Je suis une monture de rêve !…
-Qu’est-ce que tu sais faire ?
-Je sais compter jusqu’à quatre.
-Pas terrible, moi je compte jusqu’à dix…
-Oui mais moi je n’ai que quatre sabots ! A part ça, j’ai une éducation littéraire assez poussée…
-…Tes conditions ?
-Une mangeoire pleine deux fois par jour…
-Ça va de soi… »
Le jour où Horace s’est fait embaucher comme monture de rêve, ses exigences ne se sont pas faites attendre. Dur en affaire, le bestiau. La liste est longue et se termine par un jour de repos hebdomadaire. C’est pour ça que quand le cow-boy d’Horace cherche à travailler au Pony Express, lorsqu’il s’agit de négocier le salaire, c’est le cheval qui prend les choses en main… et ainsi embaucher du personnel. Il faut dire que Horace est un brin roublard, un poil flemmard, mais relativement ingénieux. Lorsque le cow-boy est défié à la pêche par un indien, le visage pâle sera amené à la victoire par sa bête. Tous les poncifs de l’Ouest passent à la moulinette Poirier: bisons, pétrole, duels (au soleil de préférence), shérifs et hors-la-loi, indiens et tuniques bleues.
Dans la série de Poirier, on se demande qui de l’homme ou du cheval est le maître de l’autre. Horace s’anthorpomorphisme au fil des planches. Pas question pour lui d’avoir une selle sur le dos. Il lui arrive même parfois de chevaucher son cow-boy bêta. Si graphiquement Poirier est souvent comparé à Jacovitti, lui s’en moque en se revendiquant du Caravage et de Vermeer. Est-ce si ridicule que ça ? Pas tellement quand on parle de volume et d’équilibre. Chez Poirier, il n’y a pas que les êtres vivants qui le soient. La moindre baraque, le moindre rocher semblent respirer. Il y a quelque chose de magique. Dans Horace, Poirier joue avec tous les codes du western cinéma, du générique aux cadrages. L’auteur fait aussi du Ionesco, nous emmenant parfois dans du théâtre de l’absurde, les personnages interrogeant leur condition de héros de papier,
Comme Supermatou, Horace a fait les beaux-jours de Pif Gadget dans les années 70. Hormis un album publié aux éditions du Kangourou en 1975 et une intégrale pirate, la série n’avait jamais eu l’honneur d’une édition chronologique. On apprend dans la préface que Poirier avait déjà créé en 1963 un cheval commentant les actions de son humain, le cow-boy Joë Bridgers, pour l’éphémère magazine Pschitt Junior. Autre incursion dans le western avec Jacques Lob au scénario pour les aventures de Cactus-Papa, un ex-shérif ami d’un indien qui vivent dans le désert, pour le magazine Record. C’est en Juin 1970 que Horace débarque sous forme de gags dans les pages de Pif Gadget. Moins d’un an après, il passe en récits complets avant d’avoir sa première couverture dès février 1972, présentant le mythique gadget de la semaine : un « pop-colt ».
Les éditions Revival devraient être sanctifiées. On attend les tomes 2 de Supermatou et de Horace cheval de l’Ouest, et après ça, de quoi pourrions-nous rêver ?
Série : Horace cheval de l’Ouest
Tome : Intégrale 1
Genre : Western humoristique
Scénario & Dessins : Jean-Claude Poirier
Couleurs : Bilitis Poirier et son équipe
Éditeur : Revival
ISBN : 9791096119790
Nombre de pages : 264
Prix : 39 €