Les mots sont des trésors
« Mon père, de sa voix tonitruante, déclame la bible avec la passion d’un grand acteur. Lavinia pleurniche, Austin ne tient pas en place et moi, je reste béate devant la grandeur des mots. Ils me submergent, embrasent mon imagination. »
Parmi les collines, Amherst, dans le Massachusetts, est la ville natale de la jeune Emily Dickinson. Elle y habite avec son frère Austin, sa sœur Lavinia, et leurs parents. Le père lit la Bible. La mère est distante. Emily est comme une intruse dans cette famille austère. Son père lui reproche sa joie de vivre. Elle se tourne alors vers Dieu pour chercher un sens, une reconnaissance. C’est lors d’une escapade en forêt, quelques années plus tard, qu’Emily découvre l’attirance qu’elle a pour ce lieu. Des couleurs qui prennent vie, des arbres qui atteignent les cieux et des feuilles qui luttent contre le vent, des parfums enivrants et des sons mélodieux, la nature séduit la jeune fille. Qu’importent les remontrances de ses parents, Emily va y chercher sa liberté. Ceci n’est que le début de la vie de la poétesse Emily Dickinson qui nous est racontée jusqu’à sa disparition dans cette biographie.
Après celle de Virginia Woolf, la dessinatrice italienne Liuba Gabriele s’attarde sur la vie méconnue de la poétesse américaine Emily Dickinson. Recluse dans son cercle familial puritain en Nouvelle-Angleterre, elle écrivit 1775 poèmes, dont seulement une douzaine seront publiés de son vivant. A la fin de sa vie, elle fut frappée par une série de deuils : son père, sa mère, son neveu, puis son futur époux. Ce n’est que plus tard que sa petite sœur Lavinia retrouvera ses productions. Un recueil posthume sera publié en 1890 quatre ans après sa mort, mais il faudra attendre les années 50 pour une édition complète et respectueuse de l’œuvre.
Dans un trait crayons de couleurs, Liuba Gabriele poétise ses cases et ses planches dans des couleurs pastel. Les intérieurs sont enluminés. Les arbres ont des feuillages inédits, avec des tons bicolores les rendant vivants. Le ciel montre des chemins de liberté pour une fille enfermée dans une culture cloisonnée. Elle le regarde. Il la regarde. L’autrice personnalise la mort dans des scènes poignantes, avec des regards vides ou hagards et une danse funeste, comme si Emily vivait sa fin en poésie. Liuba Gabriele a elle-même publié un recueil de poésies. C’est peut-être pour cela qu’elle a si bien pu et su se mettre dans la peau de celle à qui elle rend un si bel hommage.
Emily Dickinson est plus que jamais sur le devant de la scène. L’écrivain Dominique Fortier a reçu le prix Renaudot Essai pour son livre Les villes de papier, une vie d’Emily Dickinson. Lou Doillon a lu ses poèmes sur scène. Liuba Gabriele invite à se plonger dans son œuvre. La poétesse américaine est mise à l’honneur dans ce biopic dans lequel on flotte comme sur des vers qu’on lit en rebondissant de ligne en ligne.
One shot : Emily Dickinson
Genre : Biopic
Scénario, Dessins & Couleurs : Liuba Gabriele
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181462
Nombre de pages : 144
Prix : 22 €