Wyoming Montana
« -P’pa, Anna ! Je peux venir avec vous en ville ?
-Tu risques de t’embêter pendant que ta sœur essaye sa robe, Tom.
-S’te plaît, P’pa.
-Emmenez-le, ça lui fera une sortie. S’il trouve un livre sui lui plaît, il pourra l’acheter.
-Bon, c’est entendu. Allez, grimpe !
-Merci, M’man ! »
Wyoming, avril 1876. Quand Richard Hatton quitta son ranch ce matin-là pour se rendre en ville avec ses enfants, il ne se doutait pas qu’il ne reverrait jamais son épouse. Pendant ce temps, trois cow-boys crevant la dalle, Jim Pickford et sa bande, recherchés morts ou vifs, l’ont assassinée. Le vieux Biedler a vu passer ces beaux salopards à proximité du ranch. Pas si simple de les attraper. Le vieux shérif du Comté est seul. Ça fait des mois qu’il attend des renforts. Il ne peut quitter la ville. Il rassure Richard, lui disant que les hommes comme eux tombent toujours, tôt ou tard, que sa haine et son désir de vengeance vont passer avec le temps. Celui-ci n’a pas l’intention d’attendre. Il vend la ferme pour quitter cet endroit maudit. Ils partent dans le Montana, à la traque des tueurs.
Le récit de vengeance fait partie des classiques de la fiction, que ce soit en littérature, en bande dessinée ou au cinéma, dont le plus bel exemple reste le Kill Bill de Tarantino. Le genre peut être piégeux. On peut vite tomber dans la violence et la vengeance sans pitié. Il y a quelques années, Jérôme Félix et Paul Gastine signaient le magistral western « Jusqu’au dernier », chez Bamboo-Grand Angle, déjà une histoire de vengeance. L’album fut l’un des événements de l’année 2019 et reste aujourd’hui encore dans toutes les mémoires. Il fallait oser passer après eux, mais il fallait bien que quelqu’un s’y risque un jour. Dans un style graphique totalement différent (et c’est ça qu’il fallait faire), plus proche de Davodeau que de Gir, David Wautier se lance dans l’aventure.
Wautier casse certains codes. Au revoir le mythe du cow-boy solitaire, celui-ci part en chasse accompagné de ses enfants. Et oui, il n’a plus personne pour les garder. A l’instar de John Ford ou Clint Eastwood au cinéma, Wautier opte pour le contemplatif, appuyé par une narration fluide, des dialogues courts, pas de cartouches narratifs. Les flashbacks sont explicités par des tons de couleurs différents. Les neiges blanches aux reflets bleutés du Montana alternent avec la poussière marron-jaunâtre des moments passés et de l’instant du drame. Richard Hatton fait passer sa haine aux lecteurs en même temps que ses enfants, pour lesquelles on tremble, font passer leurs émotions, et non pas la peur comme on pourrait le penser mais une certaine force et complicité avec leur père. Wautier fait la part belle aux paysages, comme pour mieux se déporter par rapport à la mission que Richard semble vouloir effectuer avec dignité et humilité, pour tourner la page d’une vie qui malheureusement ne sera plus jamais la même.
Wautier réalise une puissante mise en scène dans des décors étourdissants. « La vengeance » montre une fois de plus la bédégénicité du western. (Tiens, j’ai inventé un mot)
One shot : La vengeance
Genre : Western
Scénario, Dessins & Couleurs : David Wautier
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105221
Nombre de pages : 96
Prix : 19,50 €